La Société protectrice des kaijus : de livreur Über à manutentionnaire au Jurassic Park

Dans l’imaginaire fantastique, que ce soit au cinéma, dans la BD ou les romans, le monstre géant est soit un gentil colosse (King Kong, Mon voisin Totoro, Le Géant de fer…) soit un destructeur (Godzilla, Cloverfield, Dune…). L’entre-deux est rare. Pourtant, John Scalzi nous offre une alternative, à mi-chemin entre la Sea Shepherd et Jurassic Park. Un monde où les monstres géants, les kaijus, comme les appellent les Japonais, seront à la fois protégés et étudiés. Ici, point de lutte contre des braconniers avides de dépecer les grosses bêbêtes ou de destruction de New York par des lézards géants. La Société protectrice des kaijus nous propose une aventure originale, dépaysante et pleine d’humour, sur le quotidien d’une ONG qui s’engage à protéger des créatures de la taille d’une montagne et à préserver leur habitat naturel. Si vous avez toujours trouvé Godzilla mignon ou si vous rêviez de visiter le véritable Jurassic Park, alors bienvenue au pays des Kaijus.

« J’ai découvert à quoi nous sert la chimie sur la Terre des kaijus, m’a-t-il lancé.
– À fabriquer de la meth ?
–Encore mieux.
– Qu’est-ce qui pourrait être mieux que de la meth ?
– Des phéromones.
»

La Société protectrice des kaijus, John Scalzi, L’Atalante

L’autre Terre

Jamie Gray vient de se faire virer de son job au service marketing d’une grosse boîte de livraison de repas à domicile. À quelques jours du confinement, il1 se retrouve à devoir bosser comme livreur sous-payé pour ladite boîte afin de parvenir à joindre les deux bouts. Durant son service, il recroise par hasard un ami d’enfance, Tom, qui finit par lui proposer un boulot pour la mystérieuse SPK. Il s’agit, dit-il, d’une société de protection pour gros animaux, présente partout à travers le monde et financée par des philanthropes, des scientifiques et des politiques. Ils ont besoin de quelqu’un pour porter du matériel sur les sites de recherches et la paie est très confortable. Sans hésiter, Jamie accepte et s’envole pour ce qu’il pense être le Groenland. Lorsqu’il sort de l’avion, il découvre une jungle luxuriante. On lui explique qu’il s’est engagé pour six mois de mission sur l’autre Terre, une Terre parallèle où vivent de gros monstres dignes des films de science-fiction : les kaijus. Tom lui explique alors que la SPK s’emploie à empêcher les kaijus de franchir la barrière dimensionnelle entre les deux mondes, tout en les étudiant et en les protégeant de ceux, de l’autre côté, qui voudraient les utiliser pour faire du profit. Jamie, en bon geek fan de littérature S.-F., se montre particulièrement enthousiaste. Il rencontre ceux qui deviendront ses meilleurs amis sur place : Aparna une biologiste courageuse, Niamh astrophysicien·ne au fort caractère et Kahurangi chimiste et géologue à l’humour corrosif. Entre deux bains de phéromones puants et quelques attaques de crabes arboricoles, Jamie va devoir organiser une rencontre amoureuse entre deux créatures titanesques, apprendre à se défendre contre des parasites de la taille d’un ours et organiser des visites culturelles pour des touristes fortunés avides de sensations fortes.

Un livre par un geek pour les geeks

Avant tout, John Scalzi nous montre à quel point il est un puits de pop culture. Doom, Mothra (film japonais de 1961), les Ewoks de Star Wars, Pacific Rim… ne sont qu’une poignée des multiples références avec lesquelles le récit s’amuse.
Le livre nous plonge sans problème dans la cohérence de son univers, sans jamais s’alourdir de trop de détails techniques ou scientifiques ni briser la suspension d’incrédulité. Si l’on s’attache à ses personnages et à leurs caractères bien tranchées, on finit aussi par se prendre d’affection pour ses grosses bêtes, bien moins monstres que simples animaux, qui font juste partie d’un écosystème complexe.

Si le message est plutôt évident : qui, de l’homme ou de la créature, est le véritable monstre ? Il n’est jamais adressé de façon moralisatrice ou politique. Le sous-texte à beau être écologique, le livre est avant tout une superbe aventure, légère et entraînante, avec de sacrées tranches d’humour.

Une lecture idéale pour vivre une aventure drôle et originale ou pour retrouver les sensations des meilleures œuvres de fiction des années 1980 à aujourd’hui. John Scalzi réalise encore une fois un chef-d’œuvre d’humour et de fantastique.

  1. Quelqu’un nous a fait très justement remarquer, sur les réseaux sociaux, que, dans la version originale, Jamie n’est pas genré·e. Il s’avère qu’effectivement, dans la version française, le flou est conservé sur son identité de genre : le roman est à la première personne et les phrases sont tournées de manière à ce qu’aucun accord ne permette de définir le personnage comme masculin ou féminin. Toutes nos excuses pour cette erreur, que cet erratum vient dénoncer. ↩︎

Les commentaires sont fermés.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑