Dans (Re)Lire, nos rédacteurs se penchent sur des œuvres qui ne sont pas des nouveautés, mais qui ont marqué la littérature. Qu’il s’agisse de succès intemporels ou d’ouvrages injustement méconnus, venez (re)découvrir ces pépites du passé à nos côtés.
Maxime Chattam est connu pour ses polars et thrillers sombres, tombant souvent dans l’horrifique. Si ces genres littéraires sont plutôt adaptés à un public adulte, il a voulu s’essayer dans les années 2000 à une saga pour adolescent plongeant dans les thèmes de l’horreur. C’est ainsi qu’est née la série de romans Autre-Monde publiée aux éditions Albin Michel.
L’histoire
Quelques jours après Noël, alors que le temps était relativement clément pour un mois de décembre, une tempête se déclenche et ravage peu à peu les États-Unis en détruisant tout ce qui a trait à la technologie (voiture, électricité, arme à feu, montre digitalnumérique…). Lorsque Matt se réveille ce matin-là, il constate qu’il est seul dans son appartement : ses parents ont disparu, ainsi que ses voisins d’immeuble. À l’aide de son ami Tobias, qu’il a retrouvé dans les rues adjacentes, les deux se rendent à l’évidence : seuls les enfants et adolescents sont encore en vie. Dès lors, ils partent en quête d’autres survivants et ne tardent pas à remarquer que les adultes, s’ils sont encore en vie, sont devenus des monstres cherchant à les tuer. Trouver un lieu où ils pourraient vivre devient alors de plus en plus urgent.
Une intrigue efficace malgré quelques facilités
Autre-Monde est souvent rangé du côté de la science-fiction, mais le roman relève bien davantage du fantastique, avec une forte teinte horrifique. La Grande Tempête, qui transforme le monde et fait disparaître ou muter tous les adultes, évoque certes le postapocalyptique, mais la présence de créatures, d’altérations et d’éléments surnaturels ancre clairement le récit dans le fantastique.
Le découpage en trois parties fonctionne très bien. Le fait de commencer avant la catastrophe permet de mesurer concrètement la rupture entre l’avant et l’après, et facilite l’attachement aux personnages. La montée en tension est progressive, même si certaines scènes semblent forcées, comme celles destinées à présenter rapidement l’ensemble des créatures. Ces passages ne sont pas toujours indispensables, mais ils remplissent leur rôle : installer une ambiance inquiétante et maintenir une addiction constante à la lecture. La partie centrale, plus posée, avec l’enquête autour du Minotaure et du traître, est particulièrement réussie, car elle laisse au lecteur la possibilité de réfléchir en même temps que les personnages. La fin, plus classique, repose sur une bataille finale attendue, avec des pouvoirs parfois un peu trop calibrés pour servir le scénario, mais l’ensemble reste cohérent.
Un univers et des personnages riches
Avant de basculer dans l’étrange, l’univers se construit sur une base réaliste très identifiable, la côte est des États-Unis au début des années 2000. Les références culturelles ancrent efficacement le récit dans son époque. La disparition des adultes pourrait passer pour une facilité scénaristique, mais elle est expliquée de manière suffisamment solide pour servir le propos écologique du roman. Les altérations, bien que peu crédibles scientifiquement, remplissent surtout une fonction narrative et symbolique, et participent au développement des personnages, car chaque altération met en exergue un pan de leur personnalité.
La richesse du bestiaire est l’un des points forts du roman. Gloutons, Cyniks ou Raupéroden forment une galerie d’antagonistes variés, chacun avec ses propres codes, évitant la monotonie d’un ennemi unique. Le fait que ces noms soient donnés par les adolescents eux-mêmes renforce la crédibilité du point de vue jeunesse. Côté personnages, le trio formé par Matt, Tobias et Ambre fonctionne bien, chacun ayant un rôle clair et une place utile dans le récit. L’ajout de Doug apporte des tensions politiques intéressantes. Même si certains personnages sont momentanément mis en retrait, ils bénéficient tous d’un véritable temps de développement, ce qui est appréciable dans un premier tome.
Une écriture simple au service de l’action
L’écriture de Maxime Chattam est volontairement accessible, avec un style direct et peu de longueurs. Les dialogues dominent, ce qui renforce le rythme et la lisibilité, tandis que les descriptions restent suffisantes pour poser l’univers sans l’alourdir. Le roman intègre également des messages clairs sur l’écologie et la tolérance, traités de manière métaphorique, sans lourdeur excessive, ce qui les rend particulièrement efficaces pour un public jeune.
| En résumé, ce premier tome d’Autre-Monde pose des bases solides pour une saga ambitieuse. Malgré quelques facilités scénaristiques et une fin plus convenue, l’intrigue est bien construite, l’univers riche et les personnages investis. Le roman se lit avec fluidité et parvient à mêler action, enquête et réflexion écologique sans perdre son efficacité narrative. Un début prometteur, surtout pour les lecteurs amateurs de fantastique sombre et de récits initiatiques. |
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