L’Arche de Mère : Pierre Bordage et space opera font-ils bon ménage ?

Pierre Bordage s’est essayé à la fantasy médiévale, à la science-fiction pure, à l’anticipation, au huis clos, mais qu’en est-il du space opera ? En effet, il a publié récemment aux éditions Scrineo L’Arche de Mère, un roman où les humains partent à la rencontre de différentes espèces extraterrestres et où les thèmes de l’espoir, la tolérance et la xénophobie sont au centre du propos. Mais l’auteur a-t-il réussi son coup une nouvelle fois ?

« L’humanité est une expérience ratée, dit-il. Il convient donc de faire table rase du passé pour disposer d’espaces régénérés qui seront habités par des espèces moins nocives que les êtres humains »

L’histoire

Yhué, atteinte d’une maladie dégénérative incurable, encourage son amoureux, Sohann, à rejoindre l’armée pour défendre l’humanité contre une espèce inconnue, les nostrems. Ceux-ci ont déjà exterminé des milliards d’humains sur plusieurs planètes colonisées depuis des siècles. Lors d’une attaque, Sohann est tué, et Yhué est recueillie à bord de l’Arche, un gigantesque vaisseau spatial dirigé par Mère, une mystérieuse jeune femme autoritaire vénérée comme un gourou. Quel est le projet de Mère ? Qui sont ces nostrems qui sèment la désolation ? Les humains payent-ils leur passé conquérant et violent ? Que penser du terrible avertissement des caudales, natifs de la planète Selgat : « l’espèce qui vient sera sans pitié » ?

Un space opera exigeant

Même si c’est un one-shot, L’Arche de Mère est un roman dense et exigeant qui demande aux lecteurs une véritable concentration pour se souvenir de chaque personnage, chaque espèce, chaque sous-intrigue. En effet, le début de l’histoire peut se révéler déroutant : Pierre Bordage multiplie les personnages, les points de vue et les intrigues, chacune avec ses objectifs et ses enjeux propres. À cela s’ajoute un vocabulaire très riche en néologismes et en concepts propres à l’auteur, qui demande un réel temps d’adaptation. Cette accumulation peut freiner l’entrée dans le récit et nécessite un lecteur attentif et déjà à l’aise avec les codes du genre. Progressivement, cependant, les intrigues se recoupent, les enjeux se clarifient et l’ensemble gagne en lisibilité.

La vie extraterrestre et le message du roman

Une fois cette phase d’installation passée, le roman révèle toute la maîtrise de Bordage dans la construction de mondes. La diversité des espèces extra-terrestres est l’un des grands points forts du livre : certaines proches de l’humain, d’autres radicalement différentes, chacune avec sa culture, sa langue et sa vision du monde. Ce travail de fond sur la terminologie et les sociétés donne une vraie épaisseur à l’univers. Le traitement réservé aux caudales, en particulier, sert de miroir à une xénophobie assumée et permet d’aborder frontalement des thèmes politiques et sociaux. Le récit gagne encore en force grâce à un plot twist particulièrement efficace, qui éclaire rétrospectivement les zones d’ombre du roman et donne une nouvelle cohérence à l’ensemble.

En résumé, L’Arche de Mère est un roman qui peut déstabiliser par la densité de son univers et sa complexité, surtout pour un one-shot. Mais pour les lecteurs prêts à s’investir, l’expérience se révèle payante. La construction minutieuse du monde, la réflexion sur l’altérité et le retournement final en font un space opera marquant.

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