Ceci n’est pas une bande dessinée – si, pour vous, la bande dessinée réclame un équilibre plus ou moins subtil entre le dessin et le texte, l’explicite et l’implicite. Comment comprendre cet « OVNI graphique », selon les termes de Métal hurlant, paru début 2025 chez Les Humanoïdes associés ?
« … »
Pas un mot à l’intérieur de ce livre
Une expérience sans son, sans sens ?
Succession d’images sans aucune trace de texte, cette aventure se vit comme une plongée dans un absurde incompréhensible, dont toute tentative d’explications semble rapidement non seulement impossible, mais inutile. Ce qui importe vraiment, c’est la succession du noir et du blanc, l’immersion dans une encre aux contrastes tranchés. Nous voilà sur une autre planète, aux règles différentes, que seul un type de récit nouveau pouvait décrire.
Certains regretteront sûrement que l’originalité du texte finisse sur un schéma narratif un peu trop connu et qui ne semble pas ici vraiment renouvelé. On peut aussi y voir le refus de chercher à inventer un nouveau sens, à donner de la cohérence à une expérience profondément insensée. C’est aussi une façon de désintéresser de « l’histoire », de la succession des événements, au profit de la profondeur des images. On retient ainsi tout particulièrement les pages de la chute, au début de l’ouvrage, où la juxtaposition des cases empêche de reconstituer une logique dans le sens de lecture. Perdu entre toutes ces vignettes, on tombe nous aussi dans un autre rapport à la narration, moins pressée, moins linéaire.
Cette abstraction « science-fictionesque » est une réussite. On prend un grand plaisir à parcourir ces pages vraiment artistiques, où chaque case peuvent être un éclat d’art d’un tableau immense, impossible à embrasser d’un seul coup d’œil. Si l’on y retrouve de nombreuses inspirations graphiques, le résultat reste singulier et offre de belles excursions dans les contrées toujours nouvelles de l’imaginaire. Un livre donc à ne pas « lire », mais une expérience à tester assurément !