Helen de Wyndhorn : alcool, deuil et chasse aux monstres

Ne vous laissez pas tromper par ses faux airs de Narnia ou de Lock & Key, Helen de Wyndhorn propose une aventure dans la droite lignée des comics de fantasy pulp, l’enfant caché de Conan le Barbare et La Ligue des gentlemen extraordinaires ! Une version modernisée de la fantasy de Moorcock ou d’Howard, avec autant de poitrail viril et de monstres de cauchemars, mais aussi une vaste quête de soi.

« On a vu des monstres, des vers, des marais et des épées. Et au milieu de tout ça, on s’arrêtait pour boire et rigoler. Je ne lui ai rien demandé sur la femme, ni sur père, ni sur le fait que rien de tout cela n’avait de sens. J’ai gardé mes questions et lui ses réponses.
C’était magique. »

Helen de Wyndhorn, Bilquis Evely, Tom King, Matheus Lopes

Retour au manoir Wynhorn

Fille de la star des pulp américains C. K. Cole, Helen n’a que seize ans, mais elle boit et fume déjà plus que bien des adultes ! Après le suicide de son père, elle est prise en charge par son grand-père, qu’elle n’a jamais rencontré, qui la fait venir dans son manoir de Wynhorn. Dès lors, mystères et événements inexplicables s’accumulent : où disparaît le vieux Barnabas Cole lorsqu’il s’absente du domaine, parfois pendant des semaines ? Qu’est-ce qui rôde dans les bois alentour et qui hante les cauchemars de la jeune femme ? Et si les créatures que son père décrivait dans ses romans, celles qu’il a fuies toute sa vie, étaient en fait bien réelles ? Pour Helen, effrontée et rebelle, le deuil pourrait bien se surmonter grâce à une vie d’aventures.

Barnabas, tueur de monstres

Raconté au travers des mémoires de sa gouvernante, Lilith Appleton, la vie d’Helen de Wynhorn est une véritable fantasy tragi-comique. Après la mort de son père, qui était jusqu’alors sa seule famille, la jeune femme sombre dans l’alcoolisme et la rébellion. Lorsque Lilith, fraichement embauchée, vient la chercher pour la ramener à Wyndhorn, c’est en prison ! L’arrivée au manoir ne calme pas les mauvaises tendances d’Helen, qui se rue sur la cave à vin et profite de l’immensité de la demeure pour échapper à ses leçons. Son grand-père, Barnabas Cole, un homme rustre, froid et taciturne, se contente de lui opposer son silence ou son absence.

Pourtant, c’est bien l’un auprès de l’autre qu’ils vont apprendre à surmonter la mort de C. K., le père d’Helen, car si Barnabas tente tout d’abord de garder la jeune femme à distance, c’est parce qu’il a peur de la perdre tout comme il a perdu son fils. Au milieu de ces personnages hauts en couleur, Lilith Appleton fait figure de voix de la raison. Son attitude digne et guindée est souvent à l’origine de scènes extrêmement drôles. D’abord désemparé face à la famille Cole et la difficulté de sa mission de gouvernante, elle finit par s’accommoder de la bizarrerie ambiante et se montrer, à sa manière, tout aussi héroïque qu’un Barnabas tueur de monstres !

Viscères et Art nouveau

Le style de la talentueuse Bilquis Evely (dessinatrice depuis l’âge de 14 ans !) n’a rien à envier aux grands noms du comic. Loin des créatures nobles de la fantasy moderne, elle crée des monstres dignes de ceux d’Elric ou de Sojourn, avec une inspiration marquée pour les bandes dessinées américaines des années 1950 (Forbidden Worlds, Adventures into the Unknown) et le style vaporeux de Luis Royo. Pas d’esthétisation de la violence ici, les affrontements sont crus et sanglants, les gueules se hérissent de crocs tordus, les membres tranchés s’envolent sous les coups de hache et les héros finissent couverts de sangs et de viscères.

Un style fantasque qui cohabite étonnement bien avec l’ambiance bourgeoise du début du xxe siècle du manoir Wyndhorn, où, soudain, les décors relèvent presque de l’Art nouveau d’Alphonse Mucha. Pas de longueurs ni d’ellipses excessives ici, comme c’est pourtant souvent le cas dans la B.D., le one-shot est idéalement rythmé et l’on a beaucoup de mal à lâcher ses presque 200 pages avant sa conclusion.

Helen de Wyndhorn est une véritable pépite, un comic excellent sur son fond comme dans sa forme, qui ravira aussi bien les amateurs de fantasy de la première heure, que les amoureux d’héroïnes indomptables. Véritable passerelle entre la fantasy old school et moderne — entre les torses musculeux dénudés et les héroines rhabillées —, cet album parvient à mêler avec justesse drame et humour dans un aventure mature et profondément humaine. Une vraie réussite, qui va nous pousser à suivre de très près les prochaines créations de Tom King et Bilquis Evely.

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