Quel plaisir de retrouver enfin Caleb, Tristan, Doglass et Béryle dans le tome 2 des Larmes du yôkaï. Une année d’attente totalement justifiée au regard du plaisir que nous avons eu à dévorer cette suite ! C’est avec un humour toujours aussi ciselé que Margo Renard et Loïc Clément nous emmènent dans la province d’Oji, patrie d’origine de Caleb, où le petit groupe espère obtenir des indices concernant l’identité de l’assassin de l’époux de Beryl. Un récit qui mélange Japon féodal et référence pop culture de manière avec un certain talent.
« J’me sens comme si on m’avait obligé à renifler le pipi de quelqu’un qui a mangé plein d’asperges ! »
Caleb, Les Larmes du yôkaï, Glénat
Retour au bercail
Si Caleb Inari espérait être accueilli chez lui en héros, c’est raté ! Murami, son père adoptif, est gravement malade et sa belle-mère, Oiwa, juge qu’il est responsable, lui qui s’est enfui il y a des années comme un fils indigne. Mais, pour l’instant, la nouvelle maîtresse du clan a plus important à gérer : en proclamant l’égalité entre les femmes et les hommes, elle est devenue la cible de ces derniers, qui cherchent à la destituer. Le petit groupe se retrouve donc plongé en plein milieu d’une province en proie à la guerre civile. Pas sûr que la gouaille et l’humour crâneur de Caleb suffisent à résoudre cette querelle-là ! D’autant que la secte des ombres et son chef Genkishi, qui cherche à posséder toutes les larmes de yôkaï, pourraient bien venir mettre du rififi dans toute cette affaire !
Pérégrination vers le sud
Désormais accompagné du jeune Tristan, devenu l’apprenti de Caleb, et de sa mère au caractère bien trempé, le duo d’enquêteurs-ronin poursuit ses pérégrinations à travers l’île d’Onogoro. Avec en prime un nouveau compagnon sous la forme de Baka, un Kijimunā farceur et un peu bête, qui suit le groupe partout. L’humour caractéristique de la série est de retour dès les premières pages, avec des blagues qui parleront aussi bien aux jeunes lecteurs qu’à leurs parents. (Et s’il vous arrive d’avoir une chanson dans la tête à la lecture de certains passages, c’est normal !) Les Larmes du yôkaï parvient à maintenir ce subtil équilibre entre comique et tragédie, qui dédramatise les passages les plus sombres, sans pour autant décrédibiliser son propos.
Là où le premier tome mettait en avant le pouvoir corrompu et l’appât du gain, celui-ci surprend par sa manière d’aborder le féminisme et le vivre-ensemble, en retournant de nombreux clichés liés à ces sujets. Caleb, toujours le premier lorsqu’il s’agit de mettre les pieds dans le plat, nous régale avec ses réparties piquantes et ses expressions détournées. La dynamique qui se crée entre lui et Beryle n’est pas sans rappeler celle de Ryo Saeba et Kaori Makimura (Nicky Larson et Laura Marconi pour les amateurs du Club Dorothée), entre chamailleries et affection voilée. Tristan permet aussi de faire évoluer le personnage de Caleb en le plaçant dans un rôle de professeur. Derrière son air détaché, celui-ci ne manque pas d’encourager et de rassurer son jeune élève lorsqu’il doute de lui-même.
Action et émotion
Au dessin, on retrouve le style vif et expressif de Margo Renard et les couleurs éclatantes de Grelin. Les scènes d’actions oscillent avec brio entre cartoon et manga et l’usage du noir et blanc, associé aux souvenirs d’enfance de Caleb, apporte une touche de poésie à l’ensemble. L’univers japonisant est toujours aussi bien rendu, avec, cette fois-ci, un accent mis sur les ambiances rurales et forestières, là où le premier tome nous emmenait dans une Chidori animée.
Si l’on attend toujours avec impatience les scènes où l’on peut voir en action les fameuses larmes, ces lames magiques imprégnées de l’esprit d’un yôkaï, scénariste et dessinatrice nous régalent avec de nombreux combats aux chorégraphies dignes des meilleurs shonen. Toujours aussi bien rythmé, l’album se conclut sur des scènes particulièrement émouvantes, qui sont venues apporter une grande nuance aux personnages tout en démontrant que l’on peut être à la fois drôle et profond.
Ce second tome (sur les quatre qui devraient composer la série complète) des Larmes de yôkaï confirme ce que nous disions déjà l’an dernier sur son prédécesseur : cette série est clairement la meilleure bande dessinée de la rentrée littéraire. L’humour s’adapte aussi bien aux petits qu’aux grands et les adultes auront le plaisir d’y retrouver des références cultes de leur enfance. Caleb, Beryle, Tristan, Doglass et toi aussi, Baka, nous avons hâte de vous retrouver l’an prochain dans le tome 3 !