Dans un one-shot qui mêle dystopie, fantasy et fable écologique, Lionel Marty et Cécile proposent un récit d’aventure et d’amitié, qui illustre le rapport de l’humain à la nature. Automne comporte à la fois des inspirations antiques (l’image des dryades et des esprits de la nature) et un univers postapocalyptique, servis par de jolis dessins.
« Les humains ont été chassés d’ici et les Anciennes m’ont chargée d’éliminer les intrus. Tu es en sursis… J’étais curieuse de rencontrer un membre de la race maudite. »
Automne, Lionel Marty & Cécile, Delcourt
La dernière gardienne
Automne est l’enfant de la forêt, fille des Anciennes, protectrice de l’arbre de vie. Si elle a été nommée ainsi, c’est à cause de ses cheveux roux, mais également parce qu’elle est le crépuscule de son espèce, la dernière des dryades. Elle sait qu’un jour, le peuple du fer, celui qui a tourné le dos à la nature, reviendra pour détruire l’arbre et mettre fin à la vie. Automne est prête à tout, même à se sacrifier, pour protéger l’héritage des Anciennes, mais, lorsqu’elle rencontre Cynan, un membre de ce peuple qui rase pourtant tout sur son passage, ses certitudes vacillent. Peut-être que certains d’entre eux méritent d’être sauvés ?
David contre Goliath
Au-delà de sa fable écologique, Automne surprend par son univers, qui lorgne autant du côté de Mortal Engine que de Mad Max et Pocahontas (la version Disney). Le peuple du fer et sa ville mécanique y évoquent aussi bien le cheval de Troie que l’esthétique médiévale-industrielle des villes mouvantes décrites par Philip Reeve. Ici aussi, la cité dévore inlassablement toutes les ressources qu’elle trouve pour poursuivre sa funeste avancée. Au loin, îlot de vie au sein d’un monde stérile, l’arbre déploie ses racines, qui portent la vie partout dans la forêt. Véritable incarnation de l’Eden, mais aussi dernier rempart face à la folie des hommes, la forêt, représente tout ce qu’il reste de nature sauvage et par extension de liberté. À travers ses Anciennes, des esprits de la nature invisibles, mais puissants, elle a donné naissance à une unique gardienne, porteuse de l’héritage de toutes celles qui l’ont précédée.
La rencontre entre les deux mondes a tout de celle de David contre Goliath. Et celle entre Cynan et Automne d’une future histoire d’amour capable de réunir les deux nations opposées. Pourtant, le scénario ne cède jamais à la facilité en faisant basculer ses personnages dans la romance. Si Cynan, l’un des rares humains à ne pas adhérer aux ambitions colonialistes et extractivistes de son peuple, semble nourrir un intérêt romantique pour la gardienne, l’attrait de cette dernière pour le jeune homme est avant tout culturel, nourri par sa curiosité. Elle ne se détourne d’ailleurs pas de sa mission, mais concède un pas de côté, afin de laisser au garçon la possibilité de lui prouver qu’une partie de son peuple peut encore être sauvée.
Dans sa critique d’une dictature productiviste, Automne, malgré son cadre fictionnel et fantasy, nous renvoie à des images tristement d’actualité. De celles où les dirigeants de grandes entreprises affirment tout haut préférer, à la survie de leur propre espèce, une fin dans laquelle ils sont riches. Mais riches de quoi ? La bande dessinée pose aussi la question de la valeur que nous accordons aux choses à travers son récit. Que vaut l’or face à l’eau ? La conquête face à une vie humble, mais paisible ? Certes, on regrette que, à plusieurs reprises, l’histoire avance un peu trop vite pour nous laisser le temps d’apprécier la façon dont elle évolue — la faute au nombre de pages restrein de la B.D. franco-belge traditionnelle —, mais lorsqu’il s’agit de faire des parallèles, Automne ne ménage pas ses efforts.
Fable écologique belle et puissante, Automne propose une histoire et un univers originaux avec un duo de protagonistes intéressant. Une B.D. qui, malgré son sujet dramatique faisant tristement écho à une actualité sociale et écologique moribonde, parvient à proposer un message d’espoir.