Le Marvel Cinematic Universe qui propose une série d’animation, voilà qui est intéressant ! Alors que vaut cette nouvelle production qui s’insère avec une certaine délicatesse dans l’histoire de la saga Marvel et celle de notre monde ? Sans s’attendre à une merveille scénaristique ou artistique, cette production a le mérite de bien exploiter l’uchronie afin de nous plonger au cœur de mythes fondateurs et d’événements historiques réels.
« Depuis des générations, les Chiens de guerre ont opéré dans l’ombre. Un tel sacrifice ne peut être imposé à personne, il ne peut être que volontaire. »
Akeya, cheffe des Dora Milaje, Eyes of Wakanda, saison 1, épisode 1
Quatre temps de l’histoire
Des invasions du peuple de la mer sur les côtes égyptiennes à la colonisation européenne de l’Afrique, plusieurs millénaires d’une guerre secrète nous sont expliqués. On revient ici sur l’une des plus grandes peurs du Wakanda, qui nous est présentée dans le premier film Black Panther : être découverts par le reste du monde et voir sa technologie subtilisée et utilisée à de mauvaises fins. Dans le cas où du vibranium ou des armes y sont volés, ce sont les Chiens de guerre (Dogs of War en v.o. ou Hatut Zeraze en wakandais) qui sont envoyés les récupérer. Ils quittent alors leur foyer pour une durée indéterminée et doivent tout mettre en œuvre pour récupérer l’objet en question.
Le paradoxe des Chiens de guerre
Ces guerriers et guerrières solitaires sont l’antithèse de la philosophie wakandaise. Quand leurs concitoyens vivent en autarcie et se cachent du reste du monde dans un enfermement confortable, les Chiens de guerre parcourent la Terre et se fondent dans les autres sociétés humaines afin d’accomplir leur mission. S’ils aiment profondément leur patrie, ils ne peuvent vivre sans le dépaysement et l’aventure qui les attendent dehors.
Eyes of Wakanda s’ouvre sur un épisode dédié à celle qui a été l’une des premières de ces agent·es. Elle est une ancienne garde royale, une Dora Milaje, démise de ses fonctions pour avoir fait cavalière seule contrairement aux principes de sororité de ce corps d’armée. C’est cette solitude et cette autosuffisance sur le terrain qui font d’elle la personne idéale pour cette mission. Les autres Hatut Zeraze que nous rencontrons dans la suite de la série sont très différent·es d’elle, mais ils sont toustes originaux et attachants. On entrevoit pour chacun·e d’elleux cette difficulté d’être agents secrets et le déchirement que cela leur cause. Ils sont contraints de mentir à ceux qu’ils aiment, doivent se détacher de leur vie au-dehors sans pouvoir construire de relation au Wakanda. Parfois, ils risquent également de se perdre et de voir les lignes entre leur mission et leurs valeurs se heurter frontalement.
Chacun·e à sa manière est touchant·e, questionnant la pertinence de leur travail, essayant de le faire évoluer et créant un lien entre leur pays et le reste du monde. Les conflits auxquels ils prennent part sont des tragédies qu’ils savent pouvoir empêcher, mais dont le prix serait trop élevé pour le Wakanda. De la guerre de Troie aux guerres coloniales, les massacres servent leurs intérêts alors même qu’ils les exècrent.
Comment cette série prend part au MCU ?
Si vous ne connaissez pas grand-chose à l’univers cinématographique de Marvel, pas de panique. Vous passerez à côté de certains éléments et clins d’œils, mais finalement cela reste en marge du propos de l’œuvre. Quelques notions sur le Wakanda sont pourtant les bienvenues, car on ne nous réexplique pas l’entièreté des tenants et aboutissants du pays. Fait étonnant, la mention de vibranium est rare, alors qu’il est au centre du récit de par son lien avec les objets recherchés par les Chiens de guerre.
On a donc des éléments qui nous rappellent des événements de différents films de la saga, notamment ceux gravitant autour du premier opus de Black Panther. Le plus important pour est peut-être la fin du dernier épisode. Sans en révéler la teneur, il laisse présager de nouveaux défis pour les défenseurs et défenseuses de la Terre. On a hâte de voir la suite de cet univers cinématographique en sortant de cet ultime épisode.
Animation et action
Nous sommes à n’en pas douter dans une production Marvel. Les héros sont héroïques et les méchants très très méchants. Pourtant, ici, ils ne sont pas nombreux, ils ne sont même pas vraiment le sujet de cette série. À l’image de Agents du S.H.I.E.L.D. (les premières saisons), on nous présente les membres d’une force spéciale dont le travail gravite autour des super-héros sans pénétrer totalement dans leur univers. C’est l’action qui marque véritablement l’intégration esthétique de cette série au cœur du MCU. La technologie wakandaise est impressionnante, l’entraînement des Chiens de guerre les rend rapides, forts et dangereux. On appréciera l’équilibre entre l’avantage technologique et le besoin des forces du Wakanda de ne pas l’utiliser hors de leur territoire. Cela permet de ne pas avoir d’hoplites confrontés à des lance-roquettes.
Les combats sont lisibles, le style marqué et ne s’imposant pas un réalisme excessif permet de donner une singularité appréciable à la série. Sans révolutionner l’animation, on aime rêver face aux murs de Troie ou dans les neiges himalayennes. Les libertés prises dans les designs des différents moments historiques qu’explore la série laissent place à l’étonnement. On est assurément loin de la reconstitution fidèle et c’est tant mieux. Il s’agit là de susciter l’émerveillement et de nous faire plonger dans différentes légendes de notre réalité, et cela est admirablement mené.
Finalement, cette série est flatteuse et riche sans être un chef-d’œuvre. Son histoire apporte de la profondeur à l’univers de Black Panther et du Wakanda. Rythmée et sans longueurs, cette production est d’un équilibre très agréable et ses deux heures totales défilent et nous happent efficacement. On en ressort satisfait et diverti. Le MCU dépasse même nos attentes avec cette uchronie et les portes qu’elle entrouvre à chaque clin d’œil aux super-héros qui côtoient les wakandais. On souhaiterait presque une autre série de ce calibre sur d’autres parties de l’univers Marvel : Asgard et ses guerriers et guerrières, le conflit séculaire entre La Main et Les Chastes (intrigue au centre de Daredevil et Iron-Fist)… les possibilités sont nombreuses.