Deuxième blockbuster vidéoludique de la nouvelle Nintendo Switch 2, Donkey Kong Bananza, sorti le 17 juillet 2025, étonne et fait des étincelles au sein de la longue histoire de Nintendo. Le personnage n’avait pas eu droit à un jeu d’aventure en 3D depuis Donkey Kong64, en 1999. Créé en interne par l’équipe de développement EPD-81, à qui l’on doit l’inoubliable Super Mario Odyssey, un des classiques de la première Switch, Donkey Kong Bananza devait originellement sortir sur la Nintendo Switch, mais les aléas l’ont fait atterrir sur la nouvelle console du constructeur. Tandis que Super Mario Odyssey (2017) a réussi l’exploit de nous faire oublier Harmonie et les balades galactiques2, Donkey Kong parvient à dépasser le succès de son prédécesseur, Tropical Freeze, lors de sa première semaine de commercialisation.
Cet opus introduit une toute nouvelle équipe de vilains : la compagnie Void, dirigée par un trio composé de Void Kong, Poppy Kong et Grumpy Kong. Il s’agit d’une compagnie privée opportuniste et malveillante qui pille des cristaux de banandium pour fournir de l’énergie à leur foreuse, afin d’atteindre le cœur de la Planète, censé pouvoir exaucer tous les vœux. Au fil des années et des jeux, certains titres Nintendo ont souvent été critiqués pour la faiblesse de leur scénario, celui de Donkey Kong Bananza est certes simple, mais non simpliste. À coups d’extraction minière, d’un gameplay riche et varié, de ruée vers les cristaux et de voyage à travers les strates du monde souterrain, Donkey Kong Bananza est un magnifique renouveau de la licence Donkey Kong !
« Oh banana ! »
Effondrement et cristaux de banandium
Loin des côtes de l’île de Donkey Kong, les singes prospecteurs sont attirés vers l’île Lingot. Une véritable communauté s’y installe et Baboomville sort de terre, car les mineurs y ont découvert des cristaux de banandium, que certains appellent tout simplement bananes.
Prenant l’exemple de Thanos sur Titan, dans le film Infinity War, Void Kong lance une gigantesque boule de terre sur l’île Lingot, qui s’effondre et traverse quelques sous-strates. Donkey Kong est entraîné dans ce tourbillon et s’enfonce lui aussi dans ce monde souterrain. Il ne sera pas seul dans sa quête pour regagner la surface, puisque Donkey Kong Bananza fait aussi la part belle au personnage de Pauline, véritable cohéroïne du jeu.
Donkey Kong Bananza – Courtoisie de Nintendo
Vingt Mille Strates sous la surface
Ami.es de la théorie de la Terre creuse3, vous serez servi.es. Chaque strate du monde souterrain est un mini monde ouvert à part entière, avec une histoire et une géographie particulière. Ces mondes sont habités par des peuples dont les cultures sont menacées par l’arrivée de la compagnie Void. Les Fractons, les Autruches, les Zèbres et d’autres, tous sont perturbés par le bouchage des gouffres.
De plus en plus profond, de strate en strate, l’émerveillement est chaque fois au rendez-vous. Les paysages verdoyants de la strate des Collines, les saveurs fruitées, l’architecture science-fictionnelle d’un certain niveau, la verticalité et l’obscurité d’un autre, le monde souterrain est varié et regorge de belles idées de gameplay. Fidèle aux thèmes chers à Nintendo, la diversité des niveaux de Donkey Kong Bananza fait écho aux mondes des Super Mario 3D4, mais aussi des New Super Mario Bros, avec une strate dont le design est lié à l’eau, une autre au feu, à la glace, la forêt, la neige, la mer, etc. Avec une différence majeure qu’est la destructibilité des environnements du jeu dans Donkey Kong Bananza.
Donkey Kong Bananza incite ainsi les joueuses et les joueurs à tout détruire et à récupérer un maximum de collectibles, allant des cristaux de banandium, aux rondelles, fossiles, coquillages, coffres au trésor, CD, et autres gemmes d’or. Donkey Kong, l’exterminateur de bouchons, va poursuivre son aventure à travers au moins une dizaine de strates, toutes plus « voïdées » les unes que les autres. Ces terrains violets voïdés sont une autre idée « révolutionnaire » de chez la Void Company. Ils bouchent les gouffres inter-strates et polluent le sol et le sous-sol des mini-mondes.
Prenant exemple sur Bruce Wayne5, Donkey Kong et Pauline devront tomber pour mieux se relever (!), ils devront atteindre le cœur de la planète pour remonter à la surface.
Des strates habitées
Disséminées à travers les strates, les stèles de Narraton6 (un Fracton) nous donnent des informations croustillantes sur l’histoire sociale et politique des différents peuples qui habitent ces mondes. Rencontrés pour la première fois dans la strate des collines, les Fractons, personnages récurrents de l’histoire, sont les natifs du monde souterrain, tout comme le sont les Ascenguilles, ces anguilles qui nous permettent de nous téléporter à l’intérieur des strates et entre celles-ci. Dans des chutes libres dignes de Link au-dessus du royaume d’Hyrule, certaines ascenguilles nous font l’honneur de partager nos vols planés au sein des gigantesques gouffres interstrates. Fractons et Ascenguilles détiennent une histoire commune, faite de pratiques et coutumes ancestrales. Certains Fractons créent des refuges, tiennent des boutiques et d’autres sont employés dans la construction. Tout au long du jeu, DK et Pauline rencontrent de nombreuses personnalités fractons, mention spéciale au Pouston, un cousin éloigné du Goinfre Luma dans les Super Mario Galaxy.
Après l’effondrement de l’île Lingot et de Baboomville, certains groupes de singes ont réussi à survivre à l’impensable désastre provoqué par la terraforeuse de la Void Company et ont eux aussi constitué de nouvelles communautés. L’inspiration de Super Mario Odyssey sur ce jeu se ressent jusque dans son world building. Chaque mini monde ouvert de Super Mario Odyssey était habité par un peuple principal, les Flonflons, Jardiens, Robelaises, Zuituzècs, Pétillopodes, Frouchottes, Chapiformes et New Donkers. La formule est reprise dans Donkey Kong Bananza, où chaque strate est ainsi peuplée de peuples que vous allez prendre plaisir à rencontrer.
La compagnie Void : les nouveaux méchants
Acteur privé de la surface qui recherche uniquement le profit, la compagnie Void colonise toutes les strates les unes après les autres, du Lagon, au Canyon, en passant par celle de la Forêt. La plus grande entreprise minière de toute la surface (selon les dires de Poppy), installe des terravoïdeurs, des piquets voïdés de rétention. Ces piquets bloquent les gouffres entre les strates, immobilisent les migrations entre celles-ci, empêchent la libre circulation des populations, dont celle des ascenguilles, qui ne peuvent plus se téléporter.
Donkey Kong et Pauline devront forcer le passage et combattre les sbires voïdés de la compagnie, tels que les Crocoroïd, Fourmoïd, Muravoïd (attention aux chutes de murs) et autres nombreux ennemis. Deux figures en totale opposition, Donkey Kong et Void, se rejoignent sur un point, ils adorent les bananes. Tandis que l’un ne se prive pas de satisfaire uniquement ses besoins, Donkey Kong aide les populations des sous-strates à se défendre face à cette compagnie extractiviste.
Minéralogie et transformations Bananza
Le plaisir de détruire est un défouloir, mais aussi une responsabilité. Comme l’a dit un jour un certain Ben Parker, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités7 ». Vouloir tout détruire pourra vous amener vers le côté obscur de la minéralité. Tout casser amène son lot de complications, comme la perte de repères et la maladie du banandium8. Le jeu incite pourtant à une destruction et à une terraformation sans limites et quel plaisir, il est vrai, de pouvoir s’infiltrer dans les coulisses d’un level design, autrefois réservé aux speedrunners les plus aguerris. Permis par le perfectionnement de la technologie voxel9, précédemment utilisée dans Super Mario Odyssey, la destruction des matériaux est l’élément central du jeu. La variété des roches est suffisamment grande pour ne pas s’ennuyer et la neptunite sera bien là pour couvrir les arrières des strates en manque de consistance. La dureté des roches est aussi variable, certaines seront faciles à détruire tandis que d’autres nécessitent plusieurs frappes. Le jeu a ainsi fixé une limite aux destructions des niveaux, la neptunite résiste même aux transformations des Bananza.
Celles-ci apportent une touche de folie à un jeu qui en est déjà bien garni. Singe à l’hyperforce, autruche qui vole, zèbre qui peut courir à la vitesse de la friabilité, les transformations Bananza sont étonnantes et fluidifient la visite de certaines strates. Dons provenant des doyens et doyennes du monde souterrain, ces Bananza s’accompagnent toujours de musiques bien entraînantes.
Plus simple d’accès que la chapimorphose de Mario dans Super Mario Odyssey, les transformations Bananza s’activent grâce aux chants de Pauline et aux percussions pectorales faites par DK. Le héros se transforme à la demande, à condition d’avoir ce qu’il faut de stamina10 pour y parvenir. L’odyssée est aussi symphonique, avec des transformations musicales, toujours accompagnées d’une bande-son survoltée.
Donkey Kong et Pauline se sentent tout petits face aux doyens des Strates, gardiens, mais aussi et surtout DJ, qui débloquent les transformations Bananza. Assis sur leur trône, ils observent le temps qui passe, n’hésitant pas à faire tourner les platines. Le temps n’a plus d’importance pour eux, seule la musique compte.
Un gameplay varié et riche
Donkey Kong Bananza renouvelle la franchise Donkey Kong au point qu’elle en devient méconnaissable. Avec un nouveau design et une très belle variété de mouvements, on ressent un vrai plaisir manette en main. Le double saut, la possibilité de se mouvoir dans toutes les directions, de faire du surf sur des roches, le lancer de matériaux… Donkey Kong Bananza explose les capacités de gameplay de la franchise, c’est historique. Rivalisant d’audace avec les meilleurs sets de mouvements d’un Mario et d’un Astro Bot, Donkey Kong et Pauline virevoltent, grimpent, surfent et terraforment à l’envi. Comme dans Splatoon, le gyroscope sera d’une grande aide et permettra de terraformer et détruire sans trop de soucis de positionnement de caméra.
Pas besoin de collecter toutes les bananes pour avancer et pas besoin non plus de tout détruire, même si le gameplay axé sur la destruction s’associe très bien à « la force titanesque de Donkey Kong.11 » Le titre pense à tous les types de joueuses et joueurs et si l’envie nous prend de filer à toute allure vers la fin du jeu, et découvrir le post-jeu12 (très bon d’ailleurs), les points d’intérêts seront là pour nous guider le plus vite possible vers le cœur de la planète.
Donkey Kong Bananza offre la possibilité de récolter un nombre presque infini de collectibles de toutes sortes, dont chaque type a une utilité : achat de vêtements, échange contre des cristaux de banandium, etc. Véritable géologue des temps simiesques, Donkey Kong devient aussi un paléontologue et croise la route des célèbres anomalocaris13, animaux disparus du Cambrien, trilobites, tricératops, ammonites et autres animaux éteints ou non du Paléozoïque et des périodes qui ont suivi. Ces fossiles, petits et grands, sont répartis à travers toutes les strates du monde souterrain.
Bien que Donkey Kong Bananza reprend peu ou prou les mêmes codes et gameplays de la plateforme 3D à la Super MarioOdyssey, de nombreuses nouveautés et inspirations , comme les salles de défi (Parcours, Défi Bananza) sont un très bon ajout. Faisant écho aux sanctuaires de Zelda Breath of the Wild, les salles de défi sont des lieux où les designers de plateformes se sont surpassés. Le post-jeu contient pour ainsi dire certains des meilleurs niveaux de plateformes 3D de l’histoire de Nintendo. Donkey Kong Bananza ne ressemble pas totalement à Super Mario Odyssey : il mise davantage sur l’action que sur la plateforme. Les deux jeux du studio EPD-8 ont néanmoins en commun le (trop ?) grand nombre d’objets à récupérer. Avec l’aide d’un sonar et des cartes au trésor, la collecte des cristaux de banandium et des fossiles sera ainsi améliorée.
Donkey Kong – Courtoisie de Nintendo
Super Pauline Odyssey
Les ressemblances, en termes de design, de direction artistique, de world building, de gameplay, avec son aîné Super Mario Odyssey, pourrait presque nous faire dire que Donkey Kong Bananza aurait pu s’appeler Super Pauline Odyssey. Celle qui est devenue maire de New Donk City dans Super Mario Odyssey est l’autre personnage principal du jeu.
Apparue pour la première fois en 1981 dans le jeu Donkey Kong, Pauline est devenue maire de New Donk City, la Grosse Banane, dans Super Mario Odyssey. Le studio EPD-8 ne pouvait pas en rester là et Pauline est revenue en majesté dans ce Donkey Kong Bananza. Âgée de 13 ans, elle s’est fait capturer et transformer en pierre par Void Kong.
Heureusement sauvée par Donkey Kong, Pauline est à la fois guide, traductrice, amie de DK et chanteuse. Sa voix, admirée à travers toutes les strates du monde souterrain, repousse la voïdisation des sols, active les transformations Bananza et nous permet de retrouver notre chemin, chose utile quand le terrain est aussi friable et labyrinthique à force d’être détruit. Si la musique est centrale dans Donkey Kong Bananza, cela est dû en partie au personnage de Pauline, doublée en français par la très belle voix de Charlotte Hervieux. Ses chants peuvent aussi être utilisés en mode coopération où ils permettent au second joueur de lancer des onomatopées explosives à foison sur le terrain.
Respectant le peu de temps d’écran consacré au scénario d’un jeu Mario, l’histoire de Pauline est pourtant émotionnelle et percutante. Les quelques fragments de biographie lâchés ici et là ont suffi à éveiller notre curiosité.
Donkey Kong Bananza – DK et Pauline – Courtoisie de Nintendo
Magnifique renouveau de la franchise Donkey Kong en 3D, Donkey Kong Bananza est un très bon jeu vidéo de plateforme. Généreux dans son gameplay et son world building, varié, dense, fun, simple d’accès et avec un très bon potentiel de speedruns14, ce jeu est d’ores et déjà un classique du catalogue de la Nintendo Switch 2, mais aussi un tournant historique dans la carrière de Donkey Kong (création de l’illustre Shigeru Miyamoto), qui fête ses quarante-quatre années en 2025. À chaque nouvelle console Nintendo, l’arrivée d’un Super Mario était attendue comme une évidence. Aux côtés d’Astro Bot, Crash, Kena, Ratchet et Clank, il faudra dorénavant compter sur Donkey Kong comme un nouveau concurrent au titre de champion de la plate-forme 3D, toutes consoles confondues. Merci DK et Pauline, et rendez-vous dans quatre ans15 !
EPD-8 pour Nintendo Entertainment Planning and Development groupe numéro 8. Un jeu en co-développement avec 1-Up Studio et Tri-Crescendo. Si vous voulez en savoir plus sur la conception du jeu, Nintendo a mis en ligne sur son site web une belle série d’articles en trois parties consacrée aux développeurs, « Les développeurs ont la parole Vol.19 : Donkey Kong Bananza – Chapitre 1 : Destructions en chaîne » (15 juillet 2025). ↩︎
Référence au deux très bons jeux vidéos Super Mario Galaxy (2007) et Super Mario Galaxy 2 (2010) (Nintendo). ↩︎
Super Mario 64 (1996), Super Mario Sunshine (2002), Super Mario Galaxy (2007), Super Mario Galaxy 2 (2010), Super Mario 3D Land (2011), Super Mario 3D World (2013) et Super Mario Odyssey (2017). Propriétés de Nintendo. ↩︎
« Pourquoi tombons-nous Bruce ? Pour mieux apprendre à se relever » citation dans Batman Begins (2005), réalisé par Christopher Nolan. ↩︎
Exploritone en anglais, un fracton aventurier à la recherche des Origines de son peuple. ↩︎
Citation venant du personnage de Ben Parker, l’oncle de Peter Parker/Spider-Man (Marvel). ↩︎
Une référence amusante à la « maladie du dragon » dans Le Hobbit de J. R. R. Tolkien, ce mal causé par une cupidité dévorante et une obsession pour l’or qui finit par rendre fou. ↩︎
Au moment de la rédaction, le record du monde « Any% » (finir le jeu avec l’histoire principale, le plus rapidement possible) était détenu par Haitex avec 1 heure 13 minutes 16 secondes de jeu (14 août 2025). ↩︎
Référence à une phrase dite par Narraton, un des nombreux Fracton que l’on rencontre dans le jeu. ↩︎