Dans (Re)Lire, nos rédacteurs se penchent sur des œuvres qui ne sont pas des nouveautés, mais qui ont marqué la littérature. Qu’il s’agisse de succès intemporels ou d’ouvrages injustement méconnus, venez (re)découvrir ces pépites du passé à nos côtés.
Cet article est un peu particulier, puisqu’il s’agit de celui de Mymy, chroniqueuse sur l’Instagram Le livrarium de Mymy, qui nous fait l’honneur d’être notre invitée sur les Mille Mondes. Merci à elle.
L’autrice américaine Christina Dalcher imagine dans son livre Vox, publié le 15 août 2018 aux États-Unis, une société dystopique où les femmes sont limitées à cent mots par jour. Dans cette Amérique ultrareligieuse, toute prise de parole féminine excessive est tracée et sévèrement punie. À travers l’histoire d’une scientifique, Jean McClellan, le roman explore la privation de parole et de soi comme moyen de contrôle social.
Anticipation
Dans Vox, les femmes américaines vivent sous l’emprise d’un gouvernement théocratique où elles n’ont plus le droit de lire, d’écrire ou de s’exprimer librement. Un bracelet électronique leur inflige des décharges électriques si elles dépassent leur quota de mots quotidien. Jean McClellan, neurolinguiste, voit sa vie basculer lorsqu’elle perd tout : son travail, ses amies et son droit à la parole. Son quotidien se résumé désormais à l’obéissance, aux tâches ménagères et à l’expression de pensées simples, jusqu’au jour où une faille dans le système lui offre une opportunité irrésistible de résistance.
Parole interdite, révolte annoncée
Le roman de Dalcher propose une réflexion glaçante, très proche de certaines actualités, sur le lien entre la parole et la liberté. En limitant drastiquement la parole des femmes, c’est leur pensée même qui est visée ainsi que leur intégrité et intégration dans la société. La parole devient donc une arme à désarmer. Vox expose avec efficacité cette mécanique totalitaire, où le silence imposé ne sert pas uniquement à faire taire, mais aussi à briser la femme dès son plus jeune âge.
Le personnage de McClellan incarne parfaitement cette oppression. Mère de famille et autrefois scientifique très reconnue, elle est contrainte de se fondre dans le moule d’une féminité soumise. Pourtant, son esprit critique reste en éveil, vibre au quotidien et ne la laisse pas indifférente. Loin d’être une héroïne idéale, Jean reste une femme ordinaire, traversée par la peur, la colère et la volonté de protéger sa famille et son entourage. C’est ce réalisme qui rend son combat d’autant plus touchant, d’autant plus crédible.
Alors que le roman progresse, l’espoir d’un renversement du régime prend forme. Une occasion inattendue rapproche Jean et quelques collègues féminines du pouvoir, leur permettant de comprendre ses failles, d’identifier ses faiblesses. La tension narrative monte, laissant entrevoir une révolte organisée, une libération imminente et plaisante. Toutefois, la résolution arrive de manière abrupte. Le régime s’effondre rapidement, presque sans résistance, laissant une impression d’irréalité. Cette conclusion, bien que porteuse de soulagement, semble en décalage avec la brutalité du monde construit et la gravité des événements relayés par l’autrice.
Cette fin soulève une question importante : la libération peut-elle être si simple ?
Dans notre réalité, le combat pour la parole existe bel et bien. Il est long, incertain et souvent inachevé.
| Vox se lit comme un avertissement. Le roman illustre avec force les dangers d’une société fanatique, où la parole féminine est muselée, où elle devient un privilège et non un droit. Si sa fin rapide peut décevoir, l’essentiel de l’histoire est ailleurs, dans cet appel vibrant à ne jamais se taire. À chaque mot arraché, à chaque silence imposé, l’œuvre rappelle que la parole est un acte de résistance. Et qu’il suffit d’une voix qui s’élève pour que d’autres se réveillent. |
