Si, comme nous, vous aviez apprécié les aventures de Saki, Satoru, Shun, Maria et Mamoru dans le premier tome de l’œuvre de Yūsuke Kishi, alors vous serez ravis d’apprendre que sa suite est sortie au mois d’avril chez Robert Laffont, un an après le premier volume. Pour ceux qui ne la connaissent pas, cette trilogie japonaise, qui a été adaptée en animé sous le titre Shinsekai Yori (From the New World), nous projette mille ans dans le futur, à Kamisu 66, dans une utopie qui se révèle peu à peu terriblement dystopique et qui plonge son héroïne adolescente dans l’horreur.
« “Qu’est-ce que seppuku ? — Il s’agit de mettre fin à ses jours en se tranchant l’abdomen avec un sabre. Cela se fait pour exprimer ses plus profondes excuses” Son explication nous sidéra. Ce mot étrange ne figurait pas dans nos dictionnaires. Il était inimaginable que des humains aient été adeptes d’une telle pratique par le passé. »
Du nouveau monde – tome 2, Yūsuke Kishi, Robert Laffont
Mensonge
Au prix de terribles efforts, Saki et Satoru parviennent à rejoindre leurs amis, dont ils avaient été séparés durant le tome 1. Mais comment retourner à Kamisu 66 après ce qu’ils ont découvert ? Leur monde idyllique et paisible est un mensonge conçu pour les garder sous contrôle.
Pourtant, deux ans s’écoulent sans qu’ils ne subissent autre chose qu’une surveillance étroite. Les cinq camarades semblent peu à peu oublier leurs mésaventures… à moins que leur mémoire n’ai été altérée ? Désormais adolescents, avec tous les nouveaux désirs et soucis que cela implique, les membres du groupe vont bientôt être confrontés aux dangers qu’implique leur propre jyuryoku, ce pouvoir qui fait d’eux des dieux.
Adolescence
Toujours narré par Saki, ce tome 2 commence immédiatement à la fin du précédent, alors que Satoru et elle cherchent à s’échapper de la colonie Frelon géant. Une fuite qui fait office d’introduction, puisque le récit va surtout prendre place à leur retour du camp d’été aux côtés de Maria, Shun et Mamoru. Leur entrée dans l’adolescence à beau être l’occasion d’une parenthèse durant laquelle leurs seules inquiétudes concernent leurs histoires de cœur et leur découverte de la sexualité, les cinq camarades sont vite rattrapés par les lois tacites qui régissent Kamisu 66.
Ce tome comporte de nombreuses ellipses, parfois dues à des souvenirs altérés de Saki. Si la plupart d’entre elles permettent au récit de conserver un rythme agréable, quelques-unes ressemblent un peu à des facilités de scénario, puisqu’elles évitent à l’auteur d’avoir à fournir certaines explications. On ne peut s’empêcher de ressentir, par moment, un léger manque d’informations, de lien entre une situation et ses conséquences. Pour autant, ce tome apporte énormément de réponses et lève le voile sur de nombreux mystères qui entourent la vie à Kamisu 66. Il est également bien plus cru et plus violent que ne l’était le premier.
Le mal est humain
Malgré son univers étrange et atypique, ce qui fait la force de cette histoire, c’est sa crédibilité. C’est aussi ce qui la rend si effroyable. Ce n’est pas tant ses environnements ou ses créatures qui génèrent le malaise, mais le réalisme de ses rapports humains. Car ces horreurs et cette cruauté dont est capable l’humanité ne nous sont pas étrangères, bien au contraire. Du nouveau monde nous laisse cette sensation de mal-être qui surgit après être confronté aux travers de notre espèce, ce n’est pas un récit d’espoir, mais une constatation réaliste de nos pires biais.
Le fait de narrer l’histoire depuis un point de vue enfantin n’est d’ailleurs pas anodin. Leur regard sur le monde qui les entoure et les mystérieuses règles auxquelles ils sont soumis est aussi étranger que le nôtre, lecteur ou lectrice qui découvre au même rythme cet univers postapocalyptique. Si cette fois-ci les personnages croisent de nombreux monstres, comme les chats corrompus ou le gōma, ce sont bien les révélations sur la manière dont Kamisu 66 pratique un eugénisme constant qui sont les plus terribles.
Le récit fascine toujours et tient en haleine jusqu’à la dernière page, mais quelques petites erreurs ont néanmoins terni notre plaisir : contresens, mauvaise conjugaison, déterminants manquants, personnage qui change de genre au cours d’une phrase, erreurs typographiques… Des problèmes symptomatiques d’un monde de l’édition où traducteurs et correcteurs peinent de plus en plus à avoir une place.
Du nouveau monde tome 2 à beau nous apporter de nombreuses réponses, il garde son aura de mystère et se termine, comme son prédécesseur, avec de nombreuses questions en suspens. Si certaines scènes étonnent, Yūsuke Kishi n’écrit jamais rien au hasard et soyez assurés que tout fera sens le moment venu. Il ne nous reste désormais plus qu’à patienter une année de plus pour découvrir enfin le final de cette aventure sombre et dramatique, que l’on imagine déjà amer, mais réussi.