Clones et Prophètes, de la S.-F. sur les dérives capitalistes et religieuses

La science-fiction propose des futurs qui résonnent bien souvent avec notre présent. Ce sont des chambres d’écho pour les problématiques scientifiques, sociales et environnementales. Clones et Prophètes ne fait pas exception. Dans ce double roman, Laurent Genefort nous propose une réflexion profonde sur les dangers de l’ultralibéralisme et de l’hyper-technologie. Il en profite pour remettre en question ce qui fait la religion et ce qu’est un être vivant.

« Tu ne saisis pas à quel point nous sommes nécessaires ? lui a-t-il confié un jour. À mes employeurs d’abord : je leur garantis la tranquillité dont ils ont besoin pour prospérer sur le long terme. Mais aussi aux colons eux-mêmes. Ils exigent des histoires pour se réconforter. Pourquoi les êtres humains aiment-ils tellement les contes, bien qu’ils sachent comment ils se terminent tous ? C’est la preuve que leurs rêves tournent en rond. Toi et moi, nous leur fournissons de quoi alimenter leur machine à tourner en rond pour des siècles. »

Les Deux Pouvoirs, Jeremee

Livre premier : Les Deux Pouvoirs

Jeremee est un mercenaire au service de La Hönd Cie, une multimondiale qui possède de nombreuses planètes sur lesquelles des colonies humaines servent à produire différentes ressources indispensables à ses activités économiques. Avec son fils, Typhon, il est chargé de créer des religions dans le but de canaliser les populations locales et de s’assurer de leur productivité.

Cette fois, père et fils se retrouvent sur une planète nommée Rishèse. Ici, pas de complexes miniers, mais une végétation qui rend ce monde propice uniquement à une agriculture faiblement développée. Le duo se met rapidement au travail, Jeremee prêchant et Typhon réalisant des miracles magiques grâce à la technologie de pointe dont est truffé son corps. Tout se passe comme prévu, jusqu’à ce qu’ils apprennent l’existence d’une autre « magicienne » et de sa fille. S’engage alors un duel d’influence et de pouvoir pour les adultes, alors que les enfants essaient de se comprendre et de vivre ensemble.

Dans un style propre et efficace, l’auteur nous emmène sur cette planète étonnante où différentes espèces de plantes tubulaires envahissent tout plus vite que le chiendent. Les deux duos qui s’affrontent forment un miroir imparfait, dévoilant les dérives de ces parents qui exploitent leurs enfants. La vénalité et l’ambition cachées derrière des paroles sacrées renvoient, quant à elles, aux plus sombres heures de la plupart des religions.

Cet affrontement rappelle les duels de magiciens comme Gandalf contre Saruman, ou Yoda contre Palpatine. À la fois en direct et à distance, en manipulant et en envoyant leurs forces s’affronter. Le texte présente ce duel de sorciers avec une grande mesure dans sa première moitié, avant qu’il ne prenne des proportions de plus en plus apocalyptiques, jusqu’à son final impressionnant et émouvant.

Livre second : La Troisième Lune

On reste dans le même univers, mais on change radicalement de décor : direction Kasei, plus connue sous le nom de Nouvelle Mars. Grande planète qui a fait sa richesse via l’élevage de krill et la culture de chivre, elle se développe à bonne allure et sans heurt depuis sa colonisation. Snaut, tueur à gage réputé, a été embauché pour assassiner le gouverneur de la planète afin d’en mettre un plus favorable aux plans de la multimondiale Oblaka. Comme toujours, il avait un plan parfait, mais une erreur et une policière zélée vont tout changer.

Thriller policier, chasse à l’homme et course haletante, ce roman est très différent du précédent. Plus rythmé, avec des personnages sombres et tourmentés, il utilise les codes du roman noir, tout en jouant avec les possibilités de la science-fiction. Les paysages sont impressionnants, car ils portent les marques d’une terraformation, cicatrices autour desquelles la civilisation de Nouvelle Mars s’est bâtie. Elle est, contrairement à celle du premier texte, entièrement intégrée dans le reste des systèmes de la galaxie. On peut saluer les jeux de contrastes entre les personnages, Grous, le clone d’un adulte avec une âme d’enfant, Ira, la flic qui n’a plus rien à perdre à part sa dignité et Snaut, le mercenaire qui résout tout par la violence ou en utilisant l’influence de ses clients. En toile de fond, les intrigues politiques et économiques se dessinent, dévoilant les jeux des puissants.

Un diptyque riche et engagé

Grous est à lui seul le porteur de divers enjeux dans le texte, questionnant l’éthique du clonage, notre lien au handicap, mais également nos pensées interdites. Tout comme Typhon, qui incarne l’enfance gâchée par le travail forcé, mais aussi l’endoctrinement et ses conséquences désastreuses sur les plus jeunes.

Il faut saluer la note de Laurent Genefort qui conclut l’ouvrage, elle apporte un éclairage bienvenu sur différentes problématiques du texte, mais dévoile également comment l’auteur est parvenu à ce résultat. Ce qu’on peut dire sans trop en dévoiler, c’est qu’il s’agit de deux réécritures de textes autrefois publiés séparément. Leur retravail en profondeur a permis de mieux mettre en valeur les personnages et a donné des enjeux encore plus passionnants à leurs histoires.

Ces deux facettes d’un même univers donnent envie d’en apprendre plus, de lire d’autres nouvelles, novellas et romans qui s’y dérouleraient C’était étonnant et bienvenu de proposer deux aventures aux tempos complètement différents. On sent que l’auteur possède une maîtrise du genre sous différentes formes, tout en laissant le récit accessible à des non-initiés grâce à la faible quantité de vocabulaire technique. C’est une belle découverte.

Cet article a été écrit dans le cadre d’un service de presse

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