Autrice de ma destinée – Quand tu deviens l’ennemie de ton propre roman

Après un premier tome prometteur qui jouait habilement avec les codes de la romance fantasy et le franchissement du quatrième mur, le tome 2 d’Autrice de ma destinée, publié chez Albin Michel dans la collection Koda, confirme la richesse de cette série née de la collaboration entre Winterleaf (autrice du roman original), Jeokbal (illustrateur) et Furik (adaptation en webtoon). Avec une narration plus rythmée, un graphisme toujours aussi percutant et une héroïne plus affirmée que jamais, cette suite réussit à faire grandir le récit autant que ses personnages.

L’histoire

Après avoir prouvé son implacabilité et son courage sur le front, l’autrice, toujours sous les traits de la magicienne Fiona, tente de changer son destin en se rendant à la Capitale. Elle quitte le confort relatif de Heylon, et l’affection d’Abel et de Siegren, pour couper les ponts avec sa famille abusive et laisser la romance entre Siegren et sa promise se dérouler sans encombre.

L’amour et la vengeance vont-ils contrarier ses plans ?

Le combat de l’autrice contre sa propre histoire

Ce qui frappe immédiatement à l’ouverture de ce tome, c’est l’intensité visuelle – plus marquée encore que dans le volume précédent. Les couleurs saturées, presque électriques, confèrent à certaines planches une énergie quasiment punk, audacieuse et éclatante. Les scènes de tension explosent en rouge et bleu vifs, tandis que les moments d’introspection sont traités dans des teintes plus froides et désaturées. Ce manhwa mobilise son esthétique telle une arme narrative, transformant chaque dilemme en expérience sensorielle.

Ce deuxième tome renforce l’axe réflexif amorcé dans le premier volume : celui de la lutte d’une créatrice contre le destin qu’elle a elle-même imaginé. Réincarnée dans le rôle secondaire de la « méchante de l’histoire », Fiona refuse de se conformer à la trame originale. Elle ne cherche pas seulement à survivre malgré le destin imposé par le scénario, mais à s’en émanciper en profondeur. Loin d’être un simple divertissement, ce récit devient le terrain d’un questionnement existentiel et littéraire, qui donne tout son poids à l’évolution de Fiona. Le manhwa interroge ici la notion de libre arbitre, mais aussi le rôle de l’auteur face à ses personnages : jusqu’où peut-on vraiment contrôler un monde qu’on a conçu ? Et si changer les choses impliquait de tout déconstruire, sa position, ses liens et sa propre perception du bien et du mal ?

Fiona Green : de l’enfant terrifiée à la stratège solitaire

L’un des choix narratifs marquants de ce deuxième tome est l’ellipse temporelle de cinq ans, qui nous permet de retrouver Fiona à l’âge adulte, mage redoutée et stratège brillante. Elle quitte Heylon pour s’établir à la capitale, bien décidée à prendre son indépendance, se détacher de sa famille abusive et finalement enfin écrire son propre récit, loin du rôle tragique que lui réserve le roman original. 

Dans le roman qu’elle a elle-même écrit, Fiona avait prévu que Siegren tombe amoureux d’Alicia, l’héroïne parfaite. Mais, depuis sa réincarnation dans le rôle de la méchante, tout dérape : Siegren développe des sentiments pour elle et Fiona, malgré elle, commence à lui répondre. Pour éviter de bouleverser l’histoire, elle tente de le pousser vers son intérêt amoureux d’origine… mais les émotions s’en mêlent, et les frontières deviennent floues. Les liens qu’elle tisse avec Siegren deviennent de plus en plus ambigus, entre tendresse, loyauté et trouble amoureux. Ce tome approfondit avec finesse ces relations complexes et esquisse déjà un triangle amoureux, auquel vient s’ajouter le marquis Clovis Arendt, un nouveau venu aussi séduisant qu’énigmatique, prêt à tout faire basculer.

Avec ce second tome, Autrice de ma destinée poursuit brillamment sa mue : plus adulte, plus intense, plus assumée. Fiona y gagne en complexité, l’univers graphique en puissance et la narration en subtilité. Même pour les lecteurs peu friands de manhwas, cette œuvre vaut le détour : par sa beauté visuelle, sa construction narrative et cette réflexion fine sur le libre arbitre face au destin. Une lecture intelligente, émotionnelle et pleine d’enjeux, où la romance se mêle à une quête existentielle et où la fiction, parfois, se retourne contre son autrice.

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