Un lycée américain, un groupe de filles populaires, une petite nouvelle qui a du mal à s’intégrer et des loups-garous… Ne croyez pas avoir affaire à une énième romance fantastique pour ados en mal de frissons avec Squad, de Maggie Tokuda-Hall et Lisa Sterle, car, sous ses airs de teenage comic, cette aventure pleine de sororité pourrait bien vous surprendre.
La bande
Pour Becca, qui vient de débarquer de San Francisco, l’arrivée au lycée de X est une source d’angoisse : peur de ne pas s’intégrer, d’être rejetée à cause de ses origines asiatiques, de sa condition modeste ou de sa timidité… Pourtant, très vite, les trois filles les plus populaires de l’école l’accueillent au sein de leur groupe. Riches, belles et talentueuses, Ariana, Mandy et X ont-elles choisi Becca parce qu’elles l’apprécient ou pour mieux l’humilier en faisant d’elle leur faire-valoir ? Alors que l’adolescente est partagée entre l’envie de croire qu’elle fait partie de la bande et la peur d’être humiliée, elle va découvrir que ses trois camarades cachent un secret qui s’accompagne d’une mission et de règles que l’arrivée de Becca va bouleverser.

Gentiment horrifique
Si le twist de Squad est quelque peu éventé par ses première et quatrième de couverture, on prend énormément de plaisir à voir le récit d’adolescentes se transformer en thriller gentiment horrifique à mi-parcours. On apprécie surtout sa manière de tordre le nez aux clichés sur les lycéennes riches et pimbêches, les membres de l’équipe de foot sexys et, plus que tout, les questions féministes. Car si Squad aborde le sujet des premières relations sexuelles, de l’infidélité, de l’abus de confiance et même du viol par soumission chimique avec la délicatesse d’un parpaing dans le museau d’un masculiniste, il n’oublie pas de montrer les dérives possibles d’une lutte pour la justice et l’égalité. À trop vouloir punir les abus, on peut commettre des erreurs de jugement et devenir ce que l’on prétend combattre, une leçon que Becca et ses amies vont apprendre à la dure.

C’est d’ailleurs les émotions et réactions de ses personnages qui font aussi de Squad un comic particulièrement réussi. Les ados de Tokuda-Hall et Sterle sont crédibles à la fois dans leur statut de lycéennes bourgeoises et d’héroïnes féministes autoproclamées, une manière plutôt juste de mettre en scène un âge où l’on partage déjà quelques problèmes d’adulte tout en étant encore un peu insouciant·es. De même, les difficultés de communication entre Becca et sa mère et la manière dont la jeune fille « traduit » les non-dits entre elles sont à la fois drôles, touchantes et terriblement crédibles.

Prise de pouvoir
Squad est salutaire dans sa manière de mettre en scène des filles fortes, indépendantes, qui n’attendent ni qu’on les sauve ni qu’on leur donne l’autorisation de le faire. Cette leçon sur une (re)prise de pouvoir (empowerment) nécessaire — à l’heure où de nombreux jeunes ont peur des mots « féminisme » ou « patriarcat », tout en étant d’accord sur la nécessité de l’égalité —, rappelle que le respect se gagne aussi par la lutte, sans nier que tout le monde n’est pas capable de se battre pour l’obtenir.

Enfin, n’allez pas croire que Squad est juste un récit émancipateur pour jeunes filles, loin de là ! L’aspect fantastique du comic est avant tout une grande métaphore de tous les bouleversements — physiques, hormonaux, psychologiques — qui interviennent à l’adolescence, ainsi qu’une critique d’un système scolaire élitiste, où la reproduction sociale est déjà bien ancrée. L’amitié, la découverte de soi et la relation aux autres sont les fils conducteurs de cette aventure pleine de mordant.
| Très loin des poncifs habituels que l’on trouve dans la littérature fantastique jeunesse comportant des thèmes similaires, Squad est un album féministe et acidulée, bourré de sororité, de fashion et de feel good. N’attendez pas la prochaine pleine lune pour le dévorer ! |
Album reçu dans le cadre d’un service presse.
