Mikki et la traversée des mondes, c’est une B.D. de Stéphane Betbeder et Paul Frichet vécue du point de vue des enfants, où l’on parle de ces angoisses, de ces traumatismes et de toutes ces difficultés que l’on a tendance à oublier une fois parvenu à l’âge adulte. Dans le premier tome, Mikki, petite laotienne adoptée par un couple français lorsqu’elle était bébé, était envoyée chez la docteure Mortelente à cause de sa timidité maladive qui avait fini par la pousser au mutisme. Là, elle s’était retrouvée dans une étrange dimension parallèle où chaque porte franchie ouvrait sur un monde différent. Après la rencontre avec le très sympathique « super-héros des cavernes » et la traversée de nombreuses péripéties, elle avait fini par entrer dans le monde d’une autre enfant traitée par Mortelente, la maladroite Pétronille, tandis que le mystère sur les véritables enjeux de la thérapie proposée par la psychiatre s’épaississait.
Le récit était à la fois juste et sincère dans sa représentation des émotions, tout en permettant d’aborder un sujet encore rare dans la bande dessinée : la santé mentale des enfants. L’album se voulait aussi touchant que drôle et l’aventure aux côtés de Mikki s’était montrée particulièrement chouette, aussi, nous avons été enchantés que les éditions Glénat nous permettent de découvrir en avance le tome 2 des aventures de la petite fille, dont la sortie est prévue le 4 juin.
Sans dessus dessous
On retrouve Mikki et le super-héros des cavernes dans un monde sans dessus dessous, puisque la gravité y est inversée ! Si l’héroïne devait faire face à sa timidité, pour Pétronille, la jeune patiente qui se trouve là, c’est la maladresse qu’il faut soigner. Mais l’arrivée de Mikki dans son univers risque de chambouler le bon déroulement de l’expérience de Mortelente et les garder toutes les deux prisonnières. Il va donc falloir aider Pétronille à réaliser toutes les épreuves qu’elle doit affronter, une tâche difficile quand il est impossible de sortir d’un bâtiment sans harnais de sécurité au risque de tomber dans le vide du ciel !
Au programme de ce tome 2 ? Un jeu télévisé risqué, une amourette à concrétiser, des fanatiques qui préfèrent choisir de s’envoler et des révélations à savourer !
Humour, aventure et critique du monde adulte
Reprenant immédiatement là où on avait laissé le récit, ce tome 2 place Mikki dans la situation d’une fugitive, puisqu’elle est non seulement entrée dans le monde d’une autre patiente malgré l’interdiction de la docteure et qu’elle s’y retrouve considérée comme une renégate, pourchassée par les équipes de sécurité du show que son arrivée a interrompu ! Mais là où le premier tome la poussait plutôt à fuir à perdre haleine, ici, c’est la discrétion qui va être de mise. L’album parodie même certains clichés des plus célèbres œuvres d’espionnage lors des épreuves de haut vol que va devoir affronter Pétronille avec l’aide de Mikki.
On retrouve avec plaisir le super-héros des cavernes, toujours aussi malin et débrouillard. Ce tome 2 est d’ailleurs l’occasion d’en apprendre beaucoup sur le personnage et de commencer à comprendre les intentions qui se cachent derrière le programme de Mortelente. L’histoire mélange toujours aussi bien l’humour, l’aventure et une habile critique du monde des adultes à travers le regard des enfants. Le récit se montre aussi très malin avec ses métaphores. Ici, la peur de s’envoler de la population rappelle la crainte de l’inconnu et l’opposition virulente envers ceux qui la dépassent est une mise en scène du conformisme. L’émission à laquelle participent les enfants — et qui les met sciemment en danger — propose une critique des dérives de la téléréalité, tandis que les membres de la troupe d’acrobates volants EAM, véritables vedettes adolescentes coiffées, maquillées et marketées, sont des enfants soumis aux diktats du star-system.
Les situations loufoques et les péripéties dues à la gravité inversée s’enchaînent brillamment, au travers d’un récit toujours empreint d’une grande bienveillance. Mikki a gagné en assurance grâce aux épreuves qu’elle a dû affronter auparavant et, si elle retombe dans son mutisme au début, elle se révèle extrêmement courageuse et astucieuse au fil de l’album. Son voyage initiatique continue à la fin de ce deuxième tome par l’arrivée dans le monde d’un autre enfant, qui semble augurer une future aventure plus effrayante, l’avant-dernière de cette série, prévue en quatre volumes.
| Une suite sans temps morts qui confirme le talent de Betbeder pour les histoires touchantes et bien rythmées, et celui de Frichet en matière d’expressivité, de mise en scène et de couleurs. Grâce à un ton qui alterne comédie et tragédie avec beaucoup de justesse, Mikki et la traversée des mondes continue de surprendre, d’émouvoir et d’intriguer. L’attente sera longue avant le tome 3, mais nous sommes déjà prêts à repartir à l’aventure ! |
Les Mille Mondes 