Rencontre avec Sarah-Nio C. !

Sarah-Nio C. est l’autrice du très bon roman jeunesse, La Colo des Cauchemars, publié récemment chez Cordes de lune Editions. Des vampires aux loups-garous, le thème des monstres classiques imprégne une grande partie de ses récits. Rencontre avec Sarah-Nio, une autrice fantastique et combative !

Mille Mondes : Pour vous présenter à celles et ceux qui ne vous connaissent pas encore, comment vous définiriez-vous ?

Je m’appelle Sarah-Nio et j’aime bien me décrire comme une personne curieuse et attentionnée. On me perçoit comme quelqu’un de résilient, capable de se relever après des échecs et des erreurs. Cela me correspond bien. Au-delà de tout ça, j’ai toujours aimé découvrir de nouveaux genres et relever des défis. Le sport, surtout le football, fait partie de mes loisirs. Pendant longtemps, je rêvais d’en faire mon métier, mais les études ont fini par prendre le dessus.

MM : Pourquoi choisir d’écrire de l’imaginaire ? Un genre qui regroupe la fantasy, le fantastique, la science-fiction et d’autres sous-genres

Sarah-Nio : L’imaginaire est une façon d’établir ses propres règles tout en gardant à l’idée le monde réel dans lequel on vit. On part du réel pour avoir une première inspiration et poser des bases solides. C’est pour ça que j’aime l’imaginaire… c’est être libre dans un univers large qui parfois ne connaît aucune limite. Je m’y sens bien et j’accorde beaucoup de temps pour imaginer un monde complexe et détaillé.

MM : Comment qualifieriez-vous votre style d’écriture ? Une question assez difficile j’en conviens.

Sarah-Nio : Si je me base sur ce que mes lecteurs et lectrices disent à ce sujet, je dirais que mon style est fluide et très inspirant. J’aime mettre en avant mes expériences et les partager à l’écrit. Celles et ceux qui me connaissent bien me le font remarquer. A mes débuts, ce n’était pas simple d’écrire. Mais quand je vois tout ce chemin parcouru, je suis très heureuse car, oui, je ne maîtrisais pas tout. Je dirais aussi que mon style d’écriture ne cesse d’évoluer avec le temps. Avant, j’écrivais sans me poser de questions. Dès que j’avais une idée, je me lançais sans me relire, sans prendre le temps de revoir certains aspects, comme les tournures de phrases, la conception du livre, les attentes de la maison d’édition, etc. J’avais un but précis : échanger au maximum avec ma communauté et en apprendre davantage.

MM : Quelles sont vos précédentes créations littéraires ? Quel est votre passif avec le milieu littéraire ?

Sarah-Nio : Au départ, j’ai commencé avec l’autoédition. Ma première saga inachevée se nomme Les Quatre Artéfacts. Ce n’était pas parfait, car je ne maîtrisais pas certains aspects du monde de l’édition. La liberté de publier un livre dès qu’on se sent prêt était très bien, mais trop permissive. Je suis passée à côté du plus important, comme avoir une équipe professionnelle capable de me conseiller dans l’élaboration du texte et sur la façon de promouvoir mon projet. Cependant, concernant toutes les personnes qui ont apporté leur aide malgré les erreurs commises, je ne peux que les remercier ! C’est grâce à mon entourage que j’ai franchi une première étape dans le milieu littéraire. Par ailleurs, j’ai écrit d’autres romans comme L’Encyclopédie des ombres, une autre saga qui a eu beaucoup de succès auprès de ma communauté de lecteurs et qui attend toujours une suite. Je pense à vous !

MM : Pouvez-vous nous en dire plus sur Les Quatre Artéfacts ?

Sarah-Nio : Les Quatre Artéfacts est un livre que j’ai voulu partager en mettant en avant toutes les cultures possibles. Partant de l’Afrique, puis en Europe, etc. Je voulais mettre en lumière certains points comme voyager à travers les différents pays et apprendre des éléments essentiels comme le partage, l’apprentissage et la découverte.

Les deux premiers tomes de la série manquaient d’encadrement, de relecture et de conseils plus appuyés. Il y a eu un manque de sérieux de la part des Éditions du Net, la maison d’édition qui a publié mon livre. Je l’avais retiré de chez eux, mais ils ont continué à le vendre. Cela souligne à quel point, parfois, il faut bien s’entourer et prendre suffisamment de recul lorsqu’on décide de faire confiance à une maison d’édition. Heureusement, cela se passe bien avec ma nouvelle maison d’édition.

La Colo des Cauchemars par Sarah-Nio C. Illustrations par Nadaura

MM : Quelles sont vos inspirations, celles qui vous ont amené à écrire la Colo des Cauchemars ?

Sarah-Nio : Enfant, j’aimais beaucoup les contes autour des sorcières. Mon inspiration vient principalement de tout ça. Il y a des récits qui ont vraiment influencé mon univers, les Contes de la Rue Broca de Pierre Gripari1, Camomille et les trois petites sœurs de Roser Capdevila2, l’univers de Michel Ocelot et Tim Burton. Ma mère me racontait aussi beaucoup d’anecdotes et des contes originaires de Côte d’Ivoire.

MM : A propos de ces anecdotes et de ces contes ivoiriens, pouvez-vous nous en dire davantage ?

Sarah-Nio : Il y a une histoire qui m’a beaucoup marquée, il s’agit de la Reine Pokou3. Son histoire est très touchante. Elle a sacrifié son fils unique pour sauver son peuple. Cette femme symbolise le courage et l’amour du peuple avant soi-même.

Il y a des récits célèbres, comme le conte de l’Arbre à Palabres. Cela touche à plusieurs thématiques importantes qui sont très ancrées dans la culture ivoirienne (et africaine en général) : avant de parler, il faut écouter ; chaque parole a de la valeur ; respecter les autres et ceux qui s’expriment. On cherche toujours la réconciliation, la paix et l’humilité…

MM : Vous écrivez aussi sur Wattpad (plateforme de lecture en ligne) avec votre récit Gangnam station, pouvez-nous en raconter un peu plus à ce sujet ?

Sarah-Nio : Effectivement, j’écris sur Wattpad4, ça me permet notamment de découvrir de nouveaux auteurs ou autrices. Quand j’ai des projets en tête, je n’hésite pas à les partager afin de ne pas les oublier et de me motiver à peut-être les publier. Par exemple, Gangnam station a vu le jour quelques années après mes études et mon stage de fin d’année en Corée du Sud. Depuis mon voyage, je souhaitais mettre en avant certains aspects de la société. Par exemple, l’éducation est une chose très importante et prend une place principale au quotidien. Quand je parle d’éducation, j’insiste sur le prestige et la réussite des études. Être scolarisé là-bas, c’est une vraie pression. Les élèves ou les étudiants n’ont pas le droit à l’erreur ! J’ai mis en avant d’autres sujets qui pourraient intéresser les plus curieux : les chaebols (conglomérats contrôlés par une famille puissante) ; les mafias coréennes, qui existent, mais qui ne représentent pas un poids important dans la société, car l’État a tout fait pour lutter contre elles.

En effet, c’est un roman policier, que j’ai essayé de développer à ma manière, mettant en avant l’histoire de chaque personnage. Il n’est pas parfait, mais je suis fière de l’avoir réalisé. C’est un défi que je me suis lancé !

Gangnam Station par Sarah-Nio C. (aka Niolife), sur Wattpad

MM : Grâce à vos études de coréen et votre vécu en Corée du Sud, quels seraient selon vous les imaginaires coréens (contes ou histoires) ?

Sarah-Nio : Il y a un super récit que mes camarades de promo et moi avons traduit, lorsque nous étions en cinquième année. Il s’agit de l’histoire d’un yangban de Pak Chiwŏn5 (1737-1805). Ce grand travail de traduction a été encadré par mon professeur Pierre-Emmanuel Roux, que je souhaite remercier du fond du cœur. Je garde de bons souvenirs du cours de Hanmun. Le Hanmun est une forme traditionnelle du chinois classique6. Son écriture est fondée sur la grammaire et le vocabulaire d’États anciens.

Ce travail de traduction que nous avons réalisé ensemble est disponible sur le Réseau des études de la Corée. La nouvelle raconte l’histoire d’un lettré, un yangban, qui réside dans une province montagneuse du Kangwôn. Il est respecté pour son statut car il fait partie des membres de l’élite mais il est si pauvre que le gouverneur provincial le met en prison. Un homme fortuné, issu d’une classe inférieure de l’époque, va racheter la dette du yangban en échange de ce statut. Pourtant, il y a des conditions pour l’obtenir.

Cette histoire dévoile comment les gens se prosternent devant les apparences, et comment le statut social peut être usurpé. C’est vraiment très intéressant !

MM : Le personnage principal de la Colo des Cauchemars, Lou, est déchiré entre la perpétuation des héritages et le désir d’aller au-delà, avez-vous vous aussi vécu cette étape de vie ? Quel est la part de votre vécu que vous avez pu intégrer dans ce récit ?

Sarah-Nio : J’ai eu la chance d’avoir une mère qui me soutenait dans tous les projets que j’entreprenais, mais, parfois, si je manquais d’ambition, ça pouvait devenir une épreuve. Elle devenait plus ferme. Dans le récit, je mets en avant l’acceptation de soi, car pendant longtemps les gens autour de moi m’ont fait comprendre que j’étais différente. J’avais des amies qui n’épousaient pas les mêmes rêves ou les mêmes valeurs que moi. C’était difficile… Avec l’âge, elles ont compris leur erreur et ont essayé de se rattraper en m’encourageant petit à petit. 

Je dirais aussi que la combativité et le courage sont des traits de ma personnalité que l’on peut voir chez Lou. Il ne lâche rien, même quand il est face à un mur ou un obstacle, il fonce ! C’est parfois cet élément que certaines personnes n’aiment pas.

J’ajouterais, pour terminer, qu’il est parfois compliqué de se faire entendre lorsque quelque chose nous tient à cœur. Le principal est de ne pas se perdre en chemin. Peu importe l’endroit (milieu professionnel, familial, etc.), nous ne devons pas changer pour plaire aux autres. Je me rappelle que je rêvais de devenir enseignante, mes parents n’avaient pas l’air rassurés. Ils me voyaient dans un autre domaine, mais j’ai réussi à leur prouver le contraire en me battant tous les jours !

MM : Si je vous dis “les mille mondes de l’imaginaire”, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Sarah-Nio : Ça me fait penser à un projet en cours, Liens d’Éther de C. Garcia et illustré par Thé au Vinaigre7 en version collector ! C’est une très belle chose qui arrive et j’encourage ce beau projet. Mais au-delà de ça, ça me fait penser à divers univers, à des possibilités infinies. L’imaginaire est au rendez-vous et apporte cette notion de liberté.

MM : Quels sont vos prochains projets ?

Sarah-Nio : En ce moment, je suis sur un autre projet : Les Inspecteurs des quotas. Il est disponible sur Wattpad. Je publie un chapitre chaque semaine. Wattpad est vraiment un moyen de garder le contact avec ses lecteurs ! C’est indispensable pour moi. Je peux à côté suivre l’évolution de mon roman La Colo des cauchemars et me consacrer à de nouveaux projets et rattraper ou poursuivre mes lectures.

Les Inspecteurs des quotas par Sarah-Nio C. (aka Niolife), sur Wattpad

MM : Quels sont vos conseils de lecture ? Quels seraient selon vous les livres, B.D., mangas et comics à lire absolument ?

Sarah-Nio : Si vous aimez les contes qui mettent en avant l’humour, la poésie et les notions de respect et de bienveillance, je vous recommande Il n’y a pas de petite querelle de l’écrivain Amadou Hampâté Bâ8. Je lis en ce moment La Passe-miroir de Christelle Dabos. C’est vraiment super, l’univers est très bien décrit !

Deux autres livres que je recommande vivement : Kim Jiyoung, Née en 1982 de Cho Nam-Joo9 et Le chant du sabre de Kim Hoon. Le point commun de ces deux histoires réside dans la réflexion sociale et culturelle, chacun à sa manière, sur des aspects de l’identité, de l’injustice, et des pressions sociales.

J’aime aussi les mangas et je peux vous proposer quelques titres : My Hero Academia, L’Attaque des titans, Demon slayer, Naruto, JoJo’s Bizarre Adventure et Nana

J’apprécie également le monde de DC comics pour le côté sombre et la manière dont la justice est représentée. Je peux vous recommander une histoire que je trouve incroyable : le Batman qui rit (The Batman Who Laughs) – série 2018-2019 mais, pour ne rien manquer, il faut avoir lu Batman Métal.

MM : Libre parole, un ou des sujets de votre choix en lien avec la littérature, l’imaginaire, la culture ou autre chose que vous souhaiteriez aborder comme mot de la fin ?

Sarah-Nio : Si vous avez des projets et envie de parler de quelque chose qui vous tient à cœur, il ne faut pas hésiter. Dans ce monde, si tout était simple je pense qu’on passerait notre temps à nous plaindre. Chacun se bat pour réaliser ses rêves ou pour survivre. Dans le monde professionnel, j’ai appris que ceux qui vous considèrent vous respectent et vous valorisent, peu importe ce que vous faites… Même si vous mettez un masque, les gens retiendront ce qu’ils veulent. Pour compenser, gardez toujours à l’esprit que vous ne devez pas vivre pour les autres, car sinon vous finirez par vous perdre. Vous devez penser à vous ! N’abandonnez jamais cet objectif. Quelqu’un qui veut vous détruire ne cherchera jamais à apprendre à vous connaître.

Merci beaucoup à Sarah-Nio C. d’avoir accepté de se prêter au jeu de cette interview, nous avons hâte de découvrir ses prochaines créations ! Vous pouvez d’ores et déjà lire son dernier roman La Colo des Cauchemars chez Cordes de lune éditions.

  1. Contes de la rue Broca (Grasset) ↩︎
  2. Vers l’univers littéraire de Camomille et les trois petites soeurs (Editions du Sorbier) ↩︎
  3. La reine Abla Pokou : mère du peuple Baoulé ivoirien, article (DW) ↩︎
  4. Vers le Wattpad de Sarah-Nio C. (Niolife) ↩︎
  5. Quelques précisions sur le texte de Pak Chiwŏn, « L’histoire d’un yangban » (Le Réseau des études sur la Corée) ↩︎
  6. Pour aller plus loin sur ce sujet : « Les systèmes d’écritures en Corée », article de Yannick Bruneton (BNF) ↩︎
  7. Vers le Ulule terminé de Liens d’Éther (Cordes de lune), écrit par Chloé G. et illustré par Thé au Vinaigre ↩︎
  8. Il n’y a pas de petite querelle d’Amadou Hampâté Bâ et Hélène Heckmann ↩︎
  9. Vers Kim Jiyoung, Née en 1982 de Cho Nam-Joo (Librairie Phénix) ↩︎

Les commentaires sont fermés.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑