La traversée hollywoodienne continue pour le réalisateur Ryan Coogler qui, après avoir offert deux Black Panther à Marvel puis la résurrection de Rocky Balboa dans Creed à la Warner, s’attelle à son premier grand projet original, sous l’égide d’un studio toujours en crise : Sinners. Au carrefour d’un climat hollywoodien changeant et à l’aune d’une politique de cinéma d’auteur en voie de disparition chez Warner et d’autres majors, ce film musical de vampires est pourtant une bouffée d’air frais, nécessaire à plus d’un titre.
Un film de vampires…
Tout d’abord, car le film sait ménager son ambiance et ses thématiques, au travers d’une vaste heure et demie de préparation, où pas un seul croc acéré ne pointera le bout de son émail à l’image. Coogler, dans une démarche d’artiste, soigne son identité visuelle en représentant une Amérique pastorale encore exsangue d’une ségrégation non achevée et où la scission entre Noirs et Blancs est encore largement prégnante. À la façon du cinéma de Jordan Peele, le réalisateur affirme sa capacité à mêler divertissement et vision politique par le truchement du fantastique. Les vampires deviennent ici le reflet d’une âme vendue à un pays ne voulant pas d’eux, et le club de blues où prend place l’action, une utopie sociale où un peuple opprimé vit en totale liberté.
Qui prend son temps !
En voulant mêler divers genres entre eux, Coogler offre certaines séquences qui surprendront grandement celles et ceux venus voir du Van Helsing sur fond de lutte raciale, notamment celles musicales. C’est d’ailleurs sur ce terrain là que le film offre ses plus belles scènes, à l’image d’un plan séquence d’anthologie, sur fond de splendide bande-son signée Ludwig Goransson, évoquant la culture musicale africaine irriguant des générations d’artistes passés et à venir.
Quelques lacunes, pour un film (presque) parfait
Mais hors des sentiers musicaux, Sinners dévoile quelques gros défauts : un montage des scènes d’action peu réussi, des backgrounds de personnages peu développés, ainsi que cette idée de faux duo de jumeaux, interprétés par Michael B. Jordan, trop peu approfondie dans leur dualité de corps et d’esprit pour offrir une dynamique réellement marquante et donnant plutôt l’impression d’une étiquette apposée sur le film pour attirer un public à base de « double dose de Jordan » !
| Pour autant, Sinners ne manque pas de corps et de volonté de se démarquer du paysage cinématographique contemporain, et confirme que Coogler a toute sa place auprès des concepteurs de blockbusters haut de gamme de ces dernières années. Reste désormais à lui souhaiter bonne chance pour sa traversée du box-office, car le film sera très certainement déterminant pour la politique à venir de la Warner. |
