La Fille du roi des elfes : le retour d’un classique fantastique oublié

Parmi les figures clés de la littérature fantastique du XIXe siècle, l’écrivain Lord Dunsany s’impose comme une référence trop peu mise en avant, au vue de son œuvre pourtant profuse. Influence majeure de H. P. Lovecraft (au point que celui-ci va singer son style dans son cycle du Rêve) et homme à la vie complète, l’une de ses œuvres phares, La Fille du roi des elfes, est revenue sur le devant de la scène éditoriale dans une splendide édition anniversaire, comme il est de coutume chez Callidor. 

L’histoire

Lorsque les membres du parlement des Aulnes expriment le souhait d’être gouvernés par un roi doté de pouvoirs magiques, le vieux souverain ne voit qu’une seule solution : marier son fils à Lirazel, la mythique fille du roi des elfes. Le jeune prince, Alveric, part donc pour un périple qu’on lui prédit sans retour, non sans s’être préalablement doté d’une redoutable épée magique. Arrivera-t-il à déjouer les innombrables pièges qui l’attendent ? Saura-t-il se faire aimer de la belle Lirazel ? Et, enfin, pourra-t-il échapper à l’une des trois malédictions de l’implacable roi des elfes ?

Conte merveilleux ou hard fantasy ?

La très courte préface du roman, écrite par Lord Dunsany, a le mérite de faire autant réfléchir que rire. Le fait qu’il se sente obligé de rassurer son lectorat, potentiellement effrayé par « la suggestion d’un pays étrange », en appuyant la présence de plusieurs chapitres en campagne anglaise, en dit davantage sur le rapport de la société bourgeoise des années 1920 au merveilleux que n’importe quel essai du genre. Pourtant, si l’on s’attarde sur son contexte de parution, La Fille du roi des elfes est certainement l’un des premiers grands romans de fantasy, et ce, avant même que le genre ait une appellation. Certes, du fait d’un contexte d’écriture lointain, il en ressort un récit davantage orienté vers le conte fantastique que la pure hard fantasy, mais nombre d’éléments (les trolls,  les elfes, le petit peuple, la présence de magie…) montrent à quel point Dunsany était un précurseur en la matière. 

Un récit contemplatif, mais divertissant ?

Du côté de l’histoire en elle-même, il est important de souligner aux futur·es lecteurices que la quête initiale (trouver la fille du roi des elfes) ne représente même pas un dixième de l’œuvre. Ce que Dunsany va cependant développer, et c’est encore une fois d’une surprenante fraîcheur, c’est l’après-quête, ainsi que la profonde désillusion du jeune Alveric et de la pauvre Lirazel face aux déconvenues de l’amour. 

La scission entre les mœurs humaines et elfiques ainsi que la malédiction lancée par le roi des elfes seront finalement le cœur d’un récit jonglant entre scènes contemplatives et exploration poétiques de nos deux mondes, si proches mais si lointains à la fois. Malgré un rythme narratif doux, qui pourrait en rebuter certains, la beauté poétique et mélancolique qui se dégage du roman lui donne un cachet comparable à nul autre pareil. 

Pour cette réédition chez Callidor, le roman s’offre de belles illustrations signées par Célia Beauduc, qui saisissent à merveille l’essence féerique de l’univers de Dunsany, et la traduction plus moderne de Brigitte Mariot (empruntée à la précédente édition de Denoël) efface quelques bévues de celle d’Odile Pidoux. 

La Fille du roi des elfes fait un retour dans nos librairies pour le plaisir de la littérature fantastique et démontre son influence sur tout un pan de cette dernière. 

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