Publié en 2015, Nouvelle Lune (Luna: New Moon) est le premier tome de la trilogie Luna de Ian McDonald. Cet auteur britannique est réputé pour ses récits de science-fiction mêlant intrigues complexes et explorations culturelles. Lauréat de nombreux prix, McDonald est connu pour son approche immersive et son talent à imaginer des futurs aussi crédibles que fascinants. Avec Nouvelle Lune, il nous plonge dans un monde brutal et hypercapitaliste où cinq grandes familles se disputent le contrôle des ressources lunaires. Ce roman, souvent comparé à Game of Thrones dans l’espace, combine les codes du planet opera et de la hard SF pour offrir une fresque politique et sociale palpitante.
« Il n’y a pas de lois sur la Lune, rien que le consensus, et le consensus proscrit les armes à projectiles. Les balles sont incompatibles avec les environnements pressurisés et les mécanismes complexes. Couteaux, gourdins, garrots, machines subtiles et poisons lents, petits assassins biologiques comme les affectionnent les Asamoah : tels sont les instruments de la violence. Les conflits sont modestes et se livrent nez à nez. »
L’histoire
2110. Sur une Lune où tout se vend, où tout s’achète et où la mort peut survenir à peu près à n’importe quel moment, Adrianna Corta est la dirigeante du plus récent des cinq «Dragons», ces familles à couteaux tirés qui règnent sur les colonies lunaires. Elle doit l’ascension météoritique de son organisation au commerce de l’Hélium-3. Mais Corta-Hélio possède de nombreux ennemis et si Adrianna, au crépuscule de sa vie, veut léguer quelque chose à ses cinq enfants, il lui faudra se battre et, en retour, ils devront se battre pour elle…
Un Monde à couteaux tirés.
Si vous aimez les intrigues politiques, les trahisons et les retournements de situation, vous allez adorer Nouvelle Lune. Imaginez un monde où tous les coups sont permis, où tout se vend et tout s’achète, jusqu’aux minéraux contenus dans votre propre corps. Sur la Lune du futur, cinq grandes familles industrielles se disputent le pouvoir dans un environnement où la moindre ressource est privatisée. Sans lois ni gouvernement, seuls les règles du marché et des contrats régissent cette société ultra-capitaliste où les plus faibles sont rapidement éliminés. Dans un monde post pétrole, l’hélium-3 extrait par Corta-Hélio est devenu indispensable à l’économie terrestre et au-delà. L’accès et la gestion des ressources minières sont ainsi le fil rouge du roman, soulevant la question essentielle : comment l’empire Corta-Hélio s’est-il construit et enrichi ?
Cette histoire est un mélange de plusieurs grands styles de science-fiction. Sans être uniquement un planet opera, le récit reprend certains codes de la hard SF, nous plongeant dans un monde où la science et la technologie sont omniprésentes. On comprend rapidement le fonctionnement de la colonie lunaire et les dangers mortels d’un monde privé d’oxygène. L’auteur développe également l’adaptation des humains à cet environnement extrême : les natifs lunaires, modifiés par la faible gravité, sont différents des Terriens, tandis que d’autres utilisent des implants et des modifications génétiques pour survivre ou prendre l’avantage. La société lunaire est aussi un mélange fascinant de cultures venues du monde entier. L’auteur introduit ainsi de nombreux mots portugais et coréens (oko, madrinha, Bu-hwaejang…), qui, bien que déstabilisants au début, enrichissent l’immersion et sont expliqués dans un glossaire en fin de roman.
Dynasties et famille : Le Business de la Trahison.
Au cœur du récit se trouve la dynastie des Corta, menée par Adriana Corta, une femme d’origine brésilienne qui a bâti un empire à partir de rien. Mais dans un monde où chaque choix est une question de vie ou de mort, la famille doit sans cesse composer avec des alliances précaires et des tensions internes. Les relations entre les membres sont marquées par l’amour, l’ambition et la trahison, chacun ayant ses propres aspirations et stratégies pour assurer sa place dans un univers où le pouvoir est la seule véritable monnaie d’échange. L’auteur met particulièrement en avant certains protagonistes, comme Lucas Corta et son fils Lucasinho, dont l’évolution est marquante. Les dynamiques familiales et politiques rappellent celles de Game of Thrones, avec des assassinats, du sabotage et des manipulations incessantes.
Le début du roman peut sembler complexe en raison du nombre élevé de personnages et des références culturelles variées, mais l’auteur a prévu une liste détaillée des protagonistes et de leur ascendance pour faciliter la lecture. Finalement, c’est le rythme et les multiples rebondissements qui donnent tout son charme à Nouvelle Lune. Son style simple mais efficace nous tient en haleine jusqu’à une fin explosive. Dans ce premier tome, Ian McDonald parvient à créer un parfait équilibre entre l’approche réaliste et détaillée d’un Kim Stanley Robinson et l’intensité dramatique d’un George R. R. Martin. En 100 ans, la société lunaire a évolué vers un modèle où tout est négociable, qu’il s’agisse de commerce, de relations sentimentales, de mariages ou d’adultères. Nouvelle Lune est ainsi une fresque immersive et haletante, qui interroge sur l’avenir du capitalisme, de la famille et de l’humanité elle-même.
Avec Nouvelle Lune, Ian McDonald livre un récit intense, mêlant politique, survie et luttes de pouvoir dans un monde où tout se monnaye. Son univers hyper-capitaliste et sans pitié, porté par une intrigue haletante et des personnages complexes, séduit autant par sa richesse que par son réalisme implacable. L’équilibre entre hard SF et planet opera permet une immersion totale, facilitée par un style fluide et une intrigue rythmée. Si vous aimez les grandes fresques de science-fiction mêlant machinations et survie dans un cadre crédible et fascinant, Nouvelle Lune est une lecture incontournable, à découvrir chez Denoël et Folio SF.