Petits Dieux, deuxième acte

Si vous n’avez pas lu le premier tome de Petits Dieux, un conte en bande dessinée qui mêle aventure, poésie et réflexion sur l’art et la mémoire, sachez que vous êtes passés à côté d’une pure pépite de fantasy jeunesse ! Heureusement, il n’est pas trop tard pour vous rattraper, puisque le tome 2 des aventures de la fée Cléo, du rat Pabo et de leurs amis vient de sortir chez Dargaud. Si le premier se dévoilait par petites touches, jusqu’à nous surprendre avec un dénouement inattendu, lourd de réflexions et de révélations, ce second album, sous-titré Monsieur Doudou, vient confirmer son univers atypique et plonge plus profondément dans la psychologie de ses personnages. 

« Finalement, ce qui distingue le « héros » du « grand méchant » est souvent une affaire de point de vue. »

Petits Dieux, Mathieu Salvia, Krystel

L’oubli

Et si, un peu à la manière des dieux d’American Gods, les personnages de fiction existaient tant que quelqu’un se souvenait d’eux ? Si la personne qui leur avait donné vie, en les imaginant pour la première fois, était leur Déesse ? Que faire lorsque cette créatrice divine n’a même pas conscience d’avoir permis à toutes ses créations d’exister et que l’oubli risque de les condamner à la mort ?

C’est le terrible constat de Pabo, Cléo, Boumboum et Buck à la fin du tome 1 de Petits Dieux : tous sont des personnages de romans, victimes de l’Alzheimer de leur autrice, qui prend la forme d’un dragon blanc invincible dévorant peu à peu leur monde. Si Boumboum, l’héroïne aux 104 aventures, et Buck, conçu pour être le compagnon de quête de Sir Gerald, survivront, car ils ont eu la chance d’être couchés sur le papier dans les romans de Diane Perrin, ce n’est pas le cas de Cléo et Pabo, qui sont de simples idées jamais développées dans des livres. Lorsque l’autrice les oubliera, il n’y aura personne pour se souvenir d’eux. C’est le lot des personnages des panthéons d’autres Déesses non-écrivaines, comme Lala, la petite-fille de Diane.

Monsieur Doudou, seule créature née de l’imagination débordante de la fillette à rester vivante dans son esprit – et donc à exister – fait la loi parmi ses autres créations. Capable de rappeler l’existence de ses pairs dans l’esprit de Lala ou au contraire de les faire oublier, il voit d’un très mauvais œil l’arrivée des quatre compagnons.
En plus du dragon blanc, Pabo, Cléo, Boumboum et Buck vont donc devoir faire face à ce tyran en peluche !

Sentiments et rebondissements

Ce tome 2 délaisse peut-être l’effet de surprise, mais ne fait pas d’économies sur les sentiments et les rebondissements ! Les quatre héros, qui s’étaient réunis bon gré mal gré, vont voir la fragile entente qu’ils ont tissée voler en éclat. La faute à la personnalité explosive des uns autant qu’aux manigances de Monsieur Doudou et ses sbires. Comme dans le premier tome, les émotions sonnent très juste et touchent le lecteur en plein cœur, encore plus lorsque les personnages opposent leurs considérations sur le sens de l’existence et sa finalité. Car outre sa réflexion sur les souvenirs — qui n’est pas sans rappeler le culte des morts des Islandais ou des Mexicains — Petits Dieux parle des failles que l’on cache derrière une fausse assurance ou un trait d’humour. 

Les dessins sont toujours aussi somptueux et la qualité de la mise en scène force le respect. Que ce soit dans ces scènes d’action ou d’introspection, Petits Dieux propose des plans quasi cinématographiques, où la lumière et les couleurs subliment le propos. Les nouveaux personnages introduits par ce tome sont également très bien pensés, avec un design qui représente bien leur contexte de création, et permettent aux lecteurs d’appréhender un peu mieux la manière dont l’imagination, les sentiments ou les pensées récurrentes donnent vie aux créatures des panthéons.

Avec une double lecture adaptée à la fois aux enfants et aux adultes, comme dans le précédent volume, ce second tome, l’avant-dernier de la trilogie, continue d’attiser notre curiosité avec son univers d’une sensibilité et d’une intelligence rares. Son final épique annonce une conclusion mémorable, au diapason de la série. Nous avons déjà hâte !

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