(Re)lire : Demain les chiens, qui nous succèdera ?

Dans (Re)Lire, nos rédacteurs se penchent sur des œuvres qui ne sont pas des nouveautés, mais qui ont marqué la littérature. Qu’il s’agisse de succès intemporels ou d’ouvrages injustement méconnus, venez (re)découvrir ces pépites du passé à nos côtés.

Puisque la rédaction des Milles Mondes vous prépare un dossier sur l’anticipation en fiction, c’est l’occasion de (re)lire le roman le plus emblématique de Clifford D. Simak : Demain les chiens.

Dans ce récit de science-fiction, qui prend place bien des siècles dans le futur, l’humanité a disparu et ce sont les chiens qui ont pris sa place en tant qu’espèce dominante. La particularité de l’œuvre est de proposer deux histoires imbriquées. Celle des chiens qui étudient les traces du passage sur Terre des humains avec une certaine circonspection, doutant de la véracité de leur existence. Puis celle des humains, à travers la longue saga de la famille Webster, racontés dans des textes que les chiens étudient comme des vestiges archéologiques. Cette mise en abyme permet de reconstituer ce qu’il est advenu de notre espèce tout en offrant une réflexion extérieure sur la société. 

Si Demain les chiens est si intéressant, c’est parce qu’il propose une vision du futur étonnamment moderne pour l’époque à laquelle il a été publié (1952), tant d’un point de vue politique, que sociologique et technologique. 

Aujourd’hui tout particulièrement, le monde réel semble particulièrement éloigné de celui prophétisé par Simak, lui qui imaginait une humanité amoureuse de la philosophie et de l’érudition, abolissant le capitalisme et choisissant un retour à la nature et au travail agricole. Cette pensée pacifiste est mêlée à un développement technologique fondé sur l’énergie nucléaire. Simak imagine en effet que tous les véhicules du futur fonctionnent grâce à la fission de l’atome et que, grâce à ça, l’exploration spatiale connaîtra son essor. 

Ce qui, malgré son originalité initiale, rend le récit crédible, c’est la durée sur laquelle se déroule l’histoire. En faisant suivre au lecteur la lignée des Webster, l’auteur lui permet d’appréhender un processus d’évolution lent, dont les ellipses temporelles gardent le flou sur son développement tout en lui offrant une certaine crédibilité.
Après tout, s’il a fallu 2,4 millions d’années aux humains pour devenir ce qu’ils sont, rien n’empêche de penser que les chiens pourraient suivre le même chemin.

Outre son futur de science-fiction, c’est l’aspect sociologique et philosophique de Demain les chiens qui frappe. En fournissant le point de vue d’une autre espèce, radicalement différente, au travers d’une étude philologique, le roman offre une critique intéressante de la nature humaine. Ainsi, les chiens s’étonnent de la violence des humains, eux qui l’ont totalement bannie au sein du monde animal. De même, ils ne conçoivent pas les concepts de villes, qui leur semblent totalement aberrants d’un point de vue sociologique et psychologique. Les nombreux commentaires des chiens sur l’organisation sociale humaine et sur la manière dont cette dernière conçoit le monde offrent une critique intéressante de la société, qui se montre toujours pertinente, par bien des aspects, aujourd’hui. 

Il suffit de se pencher un peu sur la biographie de Clifford D. Simak pour comprendre que Demain les chiens porte en lui toutes les valeurs humanistes de son auteur. Si le livre pourrait être qualifié de slow apocalypse, en vertu de son rythme paisible et de son ambiance bucolique et contemplative, les choix et les défis auxquels il confronte ses personnages en font un véritable page turner.

Titre culte de la science-fiction, Demain les chiens mérite d’être (re)découvert, ne serait-ce que pour la nouvelle grille de lecture qu’il offre au regard de notre société d’aujourd’hui. Utopiste avant l’heure, Simak a démontré avec ce roman que la fin de l’humanité pouvait aussi être un commencement.

Les commentaires sont fermés.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑