Romantrique : un podcast cul(turel)

Romantrique, c’est un podcast qui parle de « lectures culcul, mais surtout de cul », selon les mots de ses deux créatrices, Amandine et Julie. Tous les mois, les deux amies nous parlent de littérature érotique. C’est fascinant, souvent drôle, parfois effrayant, mais toujours très instructif. Rencontre avec deux podcasteuses qui n’ont pas peur des mots !

Mille Mondes : Bonjour ! Tout d’abord, est-ce que vous pouvez présenter un peu votre parcours et la manière dont est né Romantrique, pour les lecteurs qui n’auraient pas la chance de vous connaître ?

Julie : Je suis journaliste et je travaille dans ce domaine depuis maintenant six ans. J’œuvre dans le domaine culturel et plus particulièrement le cinéma et les séries. Il m’arrive aussi d’écrire sur la littérature, et en particulier celle de l’imaginaire. Avec Amandine, nous évoquions souvent nos lectures et plus particulièrement quand celles-ci sont spicy. On a regardé ensemble 365 jours, on a beaucoup ri en discutant des scènes et on s’est dit que ce serait pas mal d’analyser ces mécaniques de l’érotisme dans la littérature dédiée. On voulait un peu partager nos réflexions passionnées sur un genre qui a souvent tendance à être boudé. Mon initiation à la lecture s’est faite aussi bien avec les ouvrages recommandés par les profs de français que les « best-sellers » de l’espace culturel du supermarché d’à côté. Et cette « chick-lit » joue un rôle hyper important dans la construction des lecteurs et lectrices, dans leur rapport aux œuvres et aussi aux autres.

Amandine : Je suis journaliste depuis dix ans et j’étudie notamment les questions de sexualité. Personnellement, je lisais assez peu de littérature érotique avant de rencontrer Julie, mais au fil de nos discussions et des années, on s’est rendu compte qu’il y avait un véritable phénomène autour de la new romance, ces romans destinés aux ados, bourrés de trigger warning, et sexuellement explicites. C’est un genre littéraire qui en dit long sur la pop culture aujourd’hui et qui est lié à beaucoup d’autres choses, alors qu’il est généralement moqué. On s’est dit que c’était dommage de ne pas s’y intéresser d’un peu plus près.


« J’ai vraiment une passion coupable pour les livres auto-édités, il y a de très belles surprises, mais on retrouve aussi quelques perles qui brillent par leur absurdité.« 

Amandine

MM : C’est quoi la scène la plus drôle ou improbable sur laquelle vous êtes tombées en faisant des recherches pour le podcast ?

Julie : Franchement, il y a à boire et à manger dans la littérature érotique, pornographique ou la new romance. Celle qui me vient à l’esprit c’est la scène des toilettes dans Les Loups du millénaire1. Vraiment, même avant de commencer le podcast, on y a été confronté une dizaine de fois. C’était la scène d’appel sur les réseaux sociaux, elle était à l’épicentre des publicités pour la plateforme Galatea et c’est un délire… Une belle série de fous rires ce livre quand même.

Amandine : En parlant de manger, la scène qui m’a le plus fait rire c’est celle de Fourrée par la dinde-garou, dans laquelle l’héroïne a un rapport sexuel avec un homme à tête de dinde2. J’ai vraiment une passion coupable pour les livres auto-édités, il y a de très belles surprises, mais on retrouve aussi quelques perles qui brillent par leur absurdité.

MCKIRK Tate, Stuffed by the Were-Turkey: (Shifter Holiday Erotica) [Fourrée par la dinde-garou]

MM : En dehors de la romance occidentale (new ou dark) et du hentai japonais (et ses nombreux sous-genres) on entend assez peu parler d’autres formes de littératures érotiques ou pornographiques, c’est un sujet que vous aimeriez aborder ?

Amandine : La pornographie, de manière générale, existe à toutes les époques et dans toutes les cultures. En commençant le projet Romantrique, on a eu l’impression de découvrir beaucoup, mais on sait que ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. J’adorerais qu’on puisse multiplier les supports, et qu’on fasse un épisode sur un jeu vidéo par exemple.


« Le worldbuilding, c’est à mon sens à l’épicentre de la fantasy et j’ai tendance à trouver que ce volet est délaissé par les auteurs qui mettent tous leurs efforts dans la romance et les scènes explicites.« 

Julie

MM : Bien souvent, la romantasy semble utiliser la fantasy comme prétexte pour des histoires érotique, au même titre que les « scénarios«  dans les pornos, mais est-ce qu’il existe des livres qui se démarquent dans le genre ?

Julie : Ce que vous soulevez c’est typiquement ce que je reproche à la romantasy que l’on met en avant dans les librairies. Le worldbuilding, c’est à mon sens à l’épicentre de la fantasy et j’ai tendance à trouver que ce volet est délaissé par les auteurs qui mettent tous leurs efforts dans la romance et les scènes explicites. C’est un enrobage quoi… Exactement comme le porno effectivement. Je suis en quête de livres denses qui parlent de sexe, d’amour et de rapports humains, tout en donnant la part belle à des mythologies riches et denses. Diluées à une nouvelle que je trouve très intéressante et qu’on a évoquée dans l’épisode 8, où, malgré un format court, on prend le temps de creuser les personnages un minimum. J’aurais adoré lire ce Sword and Sorcery sur 400/600 pages. Je dois aussi avouer que je me suis prise au jeu d’Un Palais d’épines et de roses, justement parce que l’histoire d’amour m’intéressait assez peu. C’est une relecture à peine déguisée de la Belle et la Bête, avec un imaginaire que l’on connaît très bien, mais quelques belles idées narratives. Je ne dis pas que c’est un chef-d’œuvre, mais je peux comprendre pourquoi il captive autant. J’ai quand même entendu dire que les romans qui suivent sont beaucoup plus axés sur la romance et le sexe.

MAAS Sarah J., Un Palais d’épines et de roses

MM : Avant, il existait les Bad Sex Awards, qui récompensaient les pires scènes de sexe dans des romans américains, à qui vous donneriez le prix, vous ?

Julie : Sans hésiter toutes les scènes d’Halloween Shadow. C’était très difficile à lire, très graphique et gore. Et cette ambiguïté sur la notion de viol, cette manière qu’a le livre de dénigrer les autres personnages féminins… En 2024 c’est plus possible.

Amandine : Sans surprise, je suis complètement d’accord ! C’était vraiment le roman le plus dur à lire, heureusement qu’il était mal écrit, ça permettait de se détacher du propos.

MM : Et en dehors des romans (cul)culs, vous lisez quoi ?

Julie : Beaucoup de fantastique, de fantasy, de science-fiction et… du Jane Austen ! J’aimerais avoir plus le temps de lire en dehors des ouvrages requis pour le travail et le podcast, mais j’ai fait de belles découvertes en 2023 et 2024. J’ai beaucoup aimé Le Problème à trois corps de Liu Cixin (que j’ai découvert avec après la série), Tant que le café est encore chaud et surtout… surtout : les romans de Michael McDowell. Blackwater et Katie, j’ai dévoré ces livres qui en plus d’être passionnants, ont le bon goût d’être des petits bijoux d’édition.

Amandine : Je lis assez peu de romans sur mon temps libre, je suis plutôt team non-fiction. Par contre, je lis énormément de romans graphiques et de bandes dessinées pour le travail, et c’est aussi quelque chose qu’on aimerait traiter dans le podcast un jour.

MM : Quoi de neuf pour la suite du podcast ?

Julie : Ça va bientôt faire un an et on trouve notre rythme de croisière. On aime beaucoup ce rendez-vous mensuel et on apprend encore beaucoup. On vient de faire notre premier crossover et c’était vraiment très plaisant. Pourquoi ne pas continuer sur notre lancée et inviter plus de gens pour un côté « club de lecture ». On réfléchit à plein de choses pour la nouvelle année et on potasse. Je suis en tout cas très heureuse des retours que l’on a, de voir des gens découvrir des livres avec nous. C’est passionnant et on s’amuse beaucoup.

Amandine : Le principal, c’est que le podcast reste un plaisir pour nous, mais tant que c’est le cas, je pense qu’on a encore beaucoup de choses à dire ! Comme dit Julie, il y a plein de gens passionnants qu’on aimerait inviter pour consolider encore un peu plus ce côté bookclub, et autant vous dire qu’il y a matière à faire quelques années supplémentaires.

MM : Un (bon) livre à nous conseiller pour finir ?

Julie : Comme on a parlé fantasy, je conseille vivement La Passe-Miroir, de Christelle Dabos. C’est vraiment très fourni, avec un peu de romance parce que pourquoi pas. La littérature jeunesse c’est un terrain fertile pour la fantasy et je trouve que ça peut vraiment faire des miracles. J’ai eu beaucoup de mal à le lâcher… Et sinon, La Passeuse de mots, pour les mêmes raisons.

Amandine : Sur les questions de sexualité dans la pop culture, je conseille l’essai Désirer la violence de Chloé Thibaud, c’est dense, mais c’est passionnant, et c’est un bon point de départ pour questionner notre amour des bad boys, omniprésents dans la littérature érotique, et plus généralement dans la culture tout court.

Merci beaucoup aux deux podcasteuses de Romantrique d’avoir accepté de se prêter au jeu de cette interview, nous avons hâte de découvrir la ou les lectures du prochain épisode ! Et pour les lecteurs qui souhaitent rester dans le thème, on vous propose de découvrir notre critique de Somna, une BD qui parle de masturbation féminine au temps des chasses aux sorcières.

  1. Pour en savoir plus, écoutez l’épisode 2 du podcast ! ↩︎
  2. Dans l’épisode spécial Noël de décembre 2024. ↩︎

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