Près de 700 nouveaux ouvrages viennent rejoindre la longue liste des livres retirés des écoles de Floride suite à l’entrée en vigueur du projet de loi 1069 en juillet 2023, qui permet aux parents et aux résidents de contester le contenu des livres de bibliothèque. Au nom de la “protection des enfants», ce sont 33 districts, et des écoles du primaire au lycée, qui sont concernés.
Avant que les mauvaises langues ne se déchaînent : non, aucun enfant de moins de 15 ans n’avait jusqu’à présent accès aux romans de Stephen King ou Georges R. R. Martin (les deux plus grandes victimes de cette purge digne du librorum prohibitorum). Livres que ces chères têtes blondes auraient de toute manière reposés au bout de deux pages au plus, tant la lecture leur aurait semblé complexe et ennuyeuse.
Non.
Ici, on parle d’adolescents qui ne peuvent plus découvrir Margaret Atwood, Pénélope Bagieu, ni même Georges Orwell ou Mark Twain ! Chez les plus jeunes, ce sont des titres comme Snapdragon (une histoire d’amitié entre une adolescente et une vieille femme réputée être une sorcière) ou encore Alice prête à tout (où une adolescente décide de se faire aider de ses copines pour obtenir le droit de se percer les oreilles) qui disparaissent des rayonnages.
La sorcellerie, l’homosexualité, le féminisme, les révolutions et même l’holocauste sont les sujets bannis des bibliothèques. En revanche des ouvrages ouvertement racistes ou faisant l’apologie d’idées violentes et haineuses, sont toujours disponibles. Déjà, en janvier, le comté d’Escambia, en Floride, avait été poursuivi en justice pour avoir supprimé des dictionnaires, des encyclopédies et d’autres livres en raison d’un contenu considéré comme décrivant un « comportement sexuel ».
Si l’on n’est pas forcément d’accord avec le changement des Dix petits nègres d’Agatha Christie en Ils étaient dix, qui donne plutôt la sensation d’une humanité qui cherche à s’acheter une pureté en gommant son passé raciste, on ne comprend pas non plus comment couper des adolescents d’histoires qui représentent des personnages queers, des faits historiques aussi tragiques soient-ils, ou qui leur apprennent l’importance de respecter leurs limites et celles des autres, peut les protéger. Le gouvernement de Floride (et d’autres États qui commencent eux aussi à généraliser cette pratique) semble penser que la transidentité naît dans les livres, de même que la manière de reconnaître un système oppressif, oubliant au passage que le manque de représentativité et de diversité mène à la peur de l’autre et au harcèlement, principale cause de suicide chez les adolescents.
En attendant, les armes, elles, sont toujours légales dans le « pays des libertés », qui commence à ressembler de plus en plus à ses voisins chinois ou russes.
