Sept ans après la fin de sa série phare, Fables, Bill Willingham à la bonne idée d’écrire un épilogue, qui permet aux lecteurs de retrouver Bigby, Blanche-Neige et les autres Fables pour de nouvelles aventures, toujours sous la plume du talentueux Mark Buckingham. Vont-ils vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants, comme dans les contes dont ils sont issus ?
(notez que cet article contient quelques références à la série Fables en général, je ne pense pas qu’il soit possible de parler de « spoil » sept ans après son final, néanmoins, vous êtes prévenus.)
« C’est quoi un abysse ? — Un diminutif de “ah biscuit” je crois. J’en ai gouté un une fois lâché par le sergent Pok. »
Fables : La forêt noire, Urban comics, Bill Willingham, Mark Buckingham
Promenons-nous dans les bois…
Alors que l’existence des Fables a été révélée aux Communs, la plupart d’entre eux font le choix de quitter Fableville pour s’installer parmi les humains, voire dans d’autres mondes. Bigby, Blanche-Neige et leurs louveteaux s’installent dans le monde de Hesse, pour construire une vie de famille à l’écart du tumulte et des intrigues. Pourtant, la forêt sombre et pleine de magie qu’ils ont choisie est déjà habitée par des personnages hauts en couleur, qui vont leur faire vivre de nombreuses aventures. Tandis qu’à New York, un cadavre revient à la vie, un ancien héros se révèle être un vilain de la pire espèce et une protectrice débarque par un portail pour se lancer dans une quête de justice…
Un livre de contes
Si certains en doutent, il est plus que préférable d’avoir lu tout ou partie de la série de comics de Bill Willingham pour saisir tous les enjeux de cet ultime tome. Avoir joué à Wolf Among Us, de Telltale, ne suffira pas ! Néanmoins, pour ceux qui voudraient tout de même tenter la lecture sans préparation préalable, l’histoire reste accessible, mais certains tenants et aboutissants, ainsi que certaines références, risquent de vous échapper.
Les connaisseurs seront en tout cas ravis de retrouver le duo Willingham et Buckingham, qui signe l’un de ses plus beaux albums. Leur souci du détail va jusqu’à la création d’une frise pour souligner chaque page, dont le motif change en fonction du personnage concerné par la planche qu’elle décore. Une idée qui ajoute à l’effet « livre de conte » du tome, en jouant le rôle d’une enluminure. Bien sûr, les superbes illustrations qui introduisent chaque partie du récit, et qui démontrent tout le talent de Buckingham, sont toujours aussi somptueuses. Les cases classiques ne sont pas en reste, comme toujours, ça fourmille de détails et l’apparence des différentes créatures rivalise d’inventivité.
Les codes des fables classiques pour critiquer la société moderne
On retrouve les petits paragraphes introductifs inspirés des fables médiévales au début de chaque chapitre, qui viennent finir d’appuyer le fait que ce tome est celui qui porte le mieux le nom de Fables. En effet, si le principe de la série jusqu’alors était de faire évoluer des personnages de contes dans un monde moderne et sans magie tel que le nôtre, avec toutes les références à leurs histoires d’origines possibles, cette fois-ci, l’album est narré en usant de tous les codes des fables classiques.
L’album comporte une belle critique de la peur de l’autre et des jugements hâtifs.
Ces clichés, Bill Willingham s’en sert pour se moquer de ses personnages (Bigby qui vient revendiquer « ses » terres lors de son installation à Hesse, sa fille qui considère que « les filles ne font pas de sales choses, comme casser des trucs » et dont la famille reprend le schéma (trop) classique du père travailleur et de la mère au foyer), mais l’auteur en use également pour critiquer la société humaine, la politique, les jugements hâtifs ou encore l’administration. Comme dans le reste de la saga, on oscille donc entre humour, aventure et action, sans temps mort et avec de beaux rebondissements. Le comic s’achève sur une très belle conclusion, qui fait honneur à la série.
Fables : La forêt noire comporte quelques petits défauts (comme des personnages un peu trop clichés, quelle ironie !), mais se place avant tout comme l’épilogue ultime de cette saga phare du comics américain. Belle, fournie, passionnante et étonnamment engagée sur certains sujets. On regretterait presque qu’il n’y ait pas d’épisodes annexes, mais après qu’ils aient eu la fin qu’ils méritent, il est temps de laisser les héros de Fables prendre du repos et Bill Willigham nous offrir, peut-être, de nouvelles histoires.