Klaus, Santa Klaus

Dans l’introduction de Klaus, la véritable histoire du père Noël, Grant Morrison soulève une question intéressante : qui est vraiment le père Noël ? Ni enfants ni adultes ne se demandent vraiment pourquoi ce gentil bonhomme jovial a un jour décidé de distribuer des cadeaux à travers le monde, personne ne se demande non plus comment il s’y prend. Imaginant qu’il y a là matière à faire un superhéros, l’auteur prolifique de l’écurie DC comics nous propose de découvrir la vérité sur le personnage préféré des enfants, ses origines, ses déboires, ses ennemis jurés et même ses aventures futures !

« Dites-leur que le Santa porte le rouge et le blanc de Grimsvig. Le blanc de la neige de notre patrie, le rouge du sang des travailleurs qui ont bâti cette ville. »

Klaus, la véritable histoire du père Noël, Grant Morrison, Dan Mora, Urban comics

Il était une fois…

Klaus revient dans la ville de Grimsvig après des années d’absence, mais découvre que cet endroit autrefois joyeux et animé est devenu triste et morose depuis qu’il est sous la coupe du seigneur Magnus. Lorsque cet homme des bois solitaire constate que même les enfants subissent la tyrannie en place, c’en est trop ! Résolu à intervenir, il est malheureusement vite mis au pli par des soldats, qui le passent à tabac. Sauvé de justesse par sa louve, Lilli, Klaus va connaître la visite de mystérieux esprits qui vont lui confier d’étranges pouvoirs, dont lui-même ne comprend pas tout à fait l’étendue et les limites. Bien décidé à rétablir la fête de Yule, à redonner le sourire aux enfants et à saper l’autorité de Magnus, Klaus retourne à Grimsvig avec un sac rempli de jouets enchantés qu’il distribue discrètement dans toutes les maisons. Un trouble à l’ordre établi qui va pousser le seigneur de la ville à lancer une violente chasse à l’homme. Excessif ? Peut-être pas, lorsqu’on découvre que Magnus répond à des puissances supérieures bien plus maléfiques…

Une origine superhéroïque

Ce scénario couvre plus de la moitié de ce très volumineux recueil, ce qui correspond aux tomes 1 à 7 du comic original. Le reste nous propose des aventures indépendantes de Klaus, dans les années 1980, face à une maléfique reine des Neiges, ou au secours d’un bonhomme de neige amnésique.
Si on apprécie l’idée de donner une origine « superhéroïque » au personnage de Santa Klaus, force est de constater que ce premier scénario, qui fait le choix d’un univers de fantasy inspiré de la Scandinavie, abuse des poncifs et des clichés du genre. Un choix reconnu et volontaire de la part de Morrison, mais qui peut décevoir le lecteur à la recherche d’originalité. Le fait de faire intervenir le folklore nordique et des éléments de S.-F. est intéressant, mais les personnages et les situations sont assez prévisibles. Par ailleurs, on a parfois l’impression que certaines planches ont été retirées car le tome était trop volumineux, ce qui crée des enchaînements bizarres avec des personnages sortis de nulle part et des situations qui manquent parfois d’explications ou de contextes.

Du côté des scénarios indépendants, c’est mieux, avec des récits qui plongent cette fois à pieds joints dans la magie et la folie des comics. On retrouvera donc pêle-mêle : une « justice league de Noël » où Klaus est accompagné d’autres versions du mythe de la fête la plus célèbre du monde (le fameux père Noël, le Ded Moroz russe, le Joulupukki finnois…), mais aussi une parodie de Coca-Cola en entreprise maléfique cherchant à prendre possession de Noël pour en faire une fête commerciale (tiens donc…) ou encore une invasion extraterrestre liée au légendaire Ragnarok. Malgré tout, on ne peut se départir de la sensation que ces histoires sont traitées trop rapidement et auraient mérité plus de pages pour permettre au lecteur d’en comprendre les relations entre les personnages et les enjeux. On regrette également que certains sujets soient à peine abordés avant d’être évacués sans réflexion supplémentaire (le réchauffement climatique). D’un point de vue scénaristique, Klaus s’avère donc plutôt décevant, tout particulièrement lorsqu’on imagine le potentiel de l’idée originale de Grant Morrison.

Dan Mora nous gâte !

En revanche, le lecteur qui recherche avant tout une œuvre au graphisme incroyable sera servi. Côté dessins, Dan Mora nous gâte plus que de raison avec un style propre, léché, qui parvient à rendre crédible ce mélange de fantasy et de science-fiction et nous offre des scènes d’action à la réalisation impeccable. Mention spéciale au dernier scénario de ce volume, qui reprend l’idée d’un calendrier de l’avent illustré, et qui propose 25 dessins originaux retraçant la vie de Joe Christmas (sans rapport avec le personnage de William Faulkner), cet enfant abandonné un 25 décembre qui deviendra l’un des partenaires de Klaus. 

C’est beau, c’est coloré, et pas seulement pendant les combats ! Les plans larges des lieux et environnements sont superbement détaillés, très vivants, les doubles pages sont de véritables tableaux et certains choix de mise en case (et en scène) se montrent particulièrement pertinents (la façon de représenter le passage du temps à la fin de l’histoire principale, notamment). Les secrets de certaines scènes nous est d’ailleurs révélé via des commentaires des deux artistes en fin d’ouvrage, accompagnés, comme le veut la tradition des comics, de quelques très belles couvertures alternatives.

Klaus aurait pu être l’album idéal pour Noël, mais il souffre de trop de lacunes dans son scénario. On apprécie néanmoins son style graphique, ses idées et sa volonté de rendre ses lettres de noblesse au père Noël en faisant de lui le héros qu’il aurait toujours dû être.

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