Spirale : Anatomie circulaire d’un échec

Que faire, quand la peur qui nous dévore les entrailles n’a aucune explication tangible ? Que faire quand ses manifestations semblent venir d’au-delà de notre spectre de compréhension, ou face au sentiment que nous ne représentons rien face à la volonté cosmique ? Cette réponse, on la trouve entre les traits du manga Spirale, l’œuvre phare de Junji Itô et référence majeure de l’horreur en manga.

« Jusqu’à la forme même de la ville… on dirait que tout ici cherche à nous entourer et à nous étouffer. Nous entourer et nous étouffer… comme une spirale… oui, c’est ça… comme une spirale infernale qui nous entraîneraient peu à peu vers les ténèbres »

Shuishi, dans Spirale, Junji Itô

Histoire d’une spirale

L’adaptation anime de Spirale est un projet de très longue date, dont on retrouve les premières annonces en 2019, lors du Chunchyroll Expo. La production aura finalement accusé un long retard, dû à une reconstruction du scénario par le réalisateur Hiroshi Nagahama (Les Fleurs du mal), ainsi qu’à des délais rallongés afin d’obtenir le résultat le plus satisfaisant possible. En patientant entre deux trailers, on apprenait la présence du compositeur Colin Stetson, à qui l’on doit la bande-son de Hérédité notamment, ainsi que celle du réalisateur Ari Aster à la production. De quoi saliver un peu pour la sortie de l’animé, finalement disponible en ce début d’octobre 2024, soit trois ans après la première date de sortie initiale. Mais cette attente en valait-elle la peine ?

Fear The Spiral

La petite ville balnéaire de Kurouzu devient le théâtre infernal d’une suite d’événements ayant tous pour lien (de façon plus ou moins ténue) le thème de la spirale. Le jeune Suichi et sa petite-amie Kirié vont ainsi être les spectateurs impuissants d’un mal que rien ne peut faire choir, et dont la menace plane sur toutes choses, vivantes comme mortes. La fascination que les gens développent progressivement pour la Spirale transforme leur mode de vie, leur environnement, au point de les condamner à voir leur corps se remodeler… d’un crâne foré de l’intérieur jusqu’à des nuages évoquant des âmes humaines en perdition, cette création géométrique impie dévore l’esprit de nos protagonistes à petit feu. 

Le projet du chaos

D’emblée, dès les premières minutes de Spirale, le parti pris esthétique de Hiroshi Nagahama sur Spirale, à savoir la rotoscopie, de nombreux plans fixes et une fidélité fiévreuse à l’œuvre originale, explose aux rétines du spectateur. Entre faible prise de risque et volonté de coller au mieux à l’esprit du manga, il n’y a finalement qu’un pas, mais l’on comprend vite l’intention derrière, surtout après le résultat catastrophique de Maniac par Junji Itō : Anthologie Macabre chez Netflix. Ici, le résultat reste, au premier épisode, bluffant, et donne enfin vie à cette figure géométrique du chaos qu’est la spirale.

La fidélité, donc. Après tout, pourquoi pas. Il n’y a qu’à regarder le Sin City de Robert Rodriguez pour se dire que ça ne fait parfois pas de mal de coller à la case près.
Sauf que cette fidélité devient vite le fardeau d’un projet à la production chaotique qui, dès son deuxième épisode, dévoile les failles béantes des coulisses de Spirale : changement de direction artistique en cours de route, passage de six épisodes à quatre, une collaboration avec Adult Swim qui semble avoir menée à des complications, du propre aveu du producteur Jason Marco… Si l’animation n’est ici pas le point névralgique de l’adaptation, privilégiant l’ambiance et la restitution parfaite du trait de Junji Itô, elle devient son pire ennemi dès l’épisode 2. Les visages perdent leurs traits marqués, les personnages se déplacent en slide, les décors semblent à peine esquissés… Même la sublime bande-son enivrante de Colin Stetson, qui colle pourtant parfaitement à l’ambiance, ne suffit pas à atténuer la peine de voir un tel projet se saborder ainsi.

L’anime Spirale garde un aspect de pure curiosité et d’ovni dans la production d’animation japonaise, mais reste avant tout un échec retentissant, dont la qualité baisse si vite d’un épisode à l’autre qu’on ne peut alors plus se concentrer sur l’histoire. Lorgnant la moindre imperfection, telles les spirales que guette le père fou du premier épisode, nous devenons juges d’un produit bien emballé, mais dont le contenu est imparfait.

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