L’été s’achève, c’est le retour des pulls en laine et des chaussettes en pilou pour affronter le retour de l’automne… Les histoires d’amour et les romans policiers à dévorer sur la plage cèdent la place aux bons vieux pavés à savourer au coin du feu. Alors, servez-vous une tasse de thé ou un chocolat chaud, et laissez-vous tenter parmi cette sélection de romans à l’ambiance fantastique !
Le Livre d’Ève, Meg Clothier

Au crépuscule du Moyen Âge, Beatrice est sœur bibliothécaire dans un couvent italien au cœur de la nature. Elle qui n’a jamais remis en question sa foi se retrouve soudain en possession d’un livre interdit, apporté par deux voyageuses étrangères, et qui attire toutes les convoitises…
N’ayons pas peur de l’admettre, la première partie de ce récit est longue à se mettre en place. Le style d’écriture « littéraire » fourmille de références religieuses, ce qui rend l’univers parfois nébuleux. Pourtant, ce huis clos prône intimement la sororité et m’a emportée par son ambiance fantastique. Je suis ressortie de cette lecture avec la sensation d’avoir lentement, mais sûrement, savouré chaque page.
Meute, Karine Rennberg

Cette histoire est si belle qu’elle en est difficile à résumer. Il faut s’habituer à son style déstabilisant (narration à la deuxième personne, langage familier) et se laisser porter du début à la fin, suivre ces personnages brisés par la vie qui se reconstruisent ensemble, cette amitié infaillible et cette autre naissante telle la flamme d’une bougie.
Le cœur du récit c’est Calame, un adolescent traumatisé qui se réfugie dans la peinture. Son point de vue est rendu superbement poétique grâce à sa synesthésie : il voit le monde en couleurs qu’il associe aux émotions des gens. Il est recueilli par Nath, en apparence dur à cuire et solitaire, qui l’aide à surmonter ses peurs. Leur relation n’est que bienveillance et communication, elle prend son temps et exige des sacrifices de la part de Nath. Il y a aussi Val, le meilleur ami de ce dernier, qui veille sur eux et les protège des menaces extérieures. La lenteur est cohérente, on n’aperçoit pas la lumière au bout du tunnel en claquant des doigts.
Les personnages sont profonds, avec leurs failles, touchants même s’ils n’hésitent pas à tuer. La dimension fantastique avec les transformations en loups, l’appel de la pleine lune, le lien de meute permanent dans l’esprit des protagonistes ajoute vraiment un plus au récit.
On s’intéresse aussi aux gangs et aux arènes, car la violence est le seul moyen de subvenir à ses besoins dans cet univers. J’aurais aimé que ces décors-là soient plus présents, car la majorité des scènes se passent dans la même maison. Nath est contraint d’y tourner en rond et ne se déplace pas autant que Val. Les personnages secondaires sont attachants eux aussi, j’aurais voulu en savoir plus sur certains d’entre eux et, pourquoi pas, lire un roman compagnon qui raconte leur propre histoire.
En bref, sans savoir où l’on va ni chercher l’action, on part à la découverte de personnages hauts en couleur qui nous feront forcément vibrer. Soulignons également l’inclusivité du roman, que ce soit par la représentation des handicaps, des couleurs de peau ou des personnages queers, qui apporte un vent de fraîcheur aux codes habituels de l’urban fantasy.
La Vie invisible d’Addie Larue, V. E. Schwab

Au cas où vous seriez passés à côté de ce best-seller et ne connaîtriez pas son résumé, Addie Larue scelle un pacte avec le diable en 1714 pour échapper à un mariage arrangé. En échange de l’immortalité, toutes les personnes qu’elle rencontrera ne se souviendront plus de son nom ni de son visage aussitôt qu’elles auront détourné le regard d’elle. Addie traverse trois siècles d’histoire, de l’Europe aux États-Unis, jusqu’au jour où sa route croise celle de Henry, un libraire new-yorkais qui, lui, se souvient d’elle…
La plume de V. E. Schwab est incroyablement belle (et la traduction française également !) C’est d’autant plus important que ce récit met en avant l’Art, celui avec un grand A, sous toutes ses formes, qui permet à Addie de trouver un sens à sa longue existence. Cette lecture doit se savourer chapitre par chapitre, sur le long terme. C’est beau, c’est contemplatif, on prend le temps de nouer et dénouer les liens entre les personnages. C’est un quart fantastique, un quart historique et à moitié contemporain, et la mayonnaise prend très bien.
Alors, y a-t-il des longueurs ? Oui, évidemment. Y aurait-il pu avoir beaucoup plus de péripéties, de voyages, et une fin plus développée à ces 700 pages où l’héroïne vit 300 ans ? Oui, aussi. Le début est très lent, la fin assez précipitée et très ouverte ; mais pour un livre qui parle d’immortalité, elle est logique. Au fond, tout est dans le titre : c’est l’histoire d’une vie, une vie humaine. Oui, Addie aurait pu tout quitter pour aller soigner des éléphants en Afrique du Sud au lieu de se morfondre sur les 200 kilomètres qui séparent Le Mans de Paris (ç’aurait été plus intéressant). Mais est-ce que j’aurais eu le cran de le faire à sa place ? Pas sûr. Et même si elle ne donne pas l’impression de profiter de son immortalité, rarement vous trouverez une héroïne aussi forte qu’Addie, qui a su persévérer jour après jour pour espérer un avenir meilleur alors que sa vie n’est qu’un éternel recommencement.
À noter que l’intrigue comporte un triangle amoureux, qui ne m’a pas dérangée, car j’ai eu un ressenti assez équilibré entre les deux protagonistes masculins : j’ai préféré la relation entre Addie et Luc (le démon qui l’a maudite) à la romance entre Addie et Henry, mais je me suis plus reconnue dans le personnage de Henry, avec ses peurs et ses doutes.
| Un manuscrit aux mystérieux pouvoirs magiques, une found family de loups-garous ou une héroïne immortelle malgré elle… Alors, par lequel de ces trois romans vous laisserez-vous tenter cet automne ? |
