Les Portes de lumière, un roman fantastique unique en son genre

Les Portes de lumière est le tout premier roman de l’auteur sri lankais Vajra Chandrasekera, une œuvre comme aucun autre auteur n’aurait pu en écrire, qui mélange les genres, les inspirations et les tons avec une justesse et une intelligence rares. Ce roman tout à la fois mystique, politique et social, s’il est difficile à résumer, mérite sans nul doute tous les éloges qui lui sont faits : avec sa lecture à plusieurs niveaux et sa manière très philosophique de traiter humain et divin, il ne ressemble à aucun autre.

« Si la porte donne sur l’extérieur, cela signifie-t-il que Luriat et le reste du monde se trouvent à l’intérieur ? »

Les Portes de lumière, Vajra Chandrasekera, Bragelonne

Le garçon sans ombre

Lorsque Entrave naît, sa mère cloue son ombre au sol et la lui arrache. Cet acte mystique, le premier d’une longue série, fera du garçon un être à part. Destiné par sa génitrice à accomplir le meurtre de son père, une vengeance ourdie depuis bien longtemps, Entrave refuse son destin et, arrivé à l’âge adulte, s’installe dans la grande ville de Luriat. Dans cette cité hétéroclite, régie par un système de castes et à la politique complexe, les messies ont pignon sur rue, les enfants déchus des divinités se rencontrent lors de réunions anonymes et les plages sont parfois les témoins de bûchers cruels et d’exécutions sanglantes.

Et puis il y a les portes. Toutes celles qui restent fermées trop longtemps finissent par se changer en portes de lumière. Éternellement closes, ces dernières sont à la fois des sujets d’études, de craintes et de vénération par la population. Quels mondes se cachent derrière leur bois aux couleurs vives ? Ont-elles un rapport avec les diables ? Ces étranges créatures fantomatiques qu’Entrave semble être le seul à voir ?
La mystérieuse Luriat, ses portes, son système de castes raciste, sa police militaire et ses révolutionnaires enfants des grandes religions, vont profondément bouleverser le chemin emprunté par Entrave. Pour le meilleur comme pour le pire.

Un roman multicouche

Les Portes de lumière est un roman protéiforme. À Luriat, tout le monde dispose d’un toit et de quoi remplir son assiette gratuitement. Pour autant, l’accès à tout le reste est régi par la « race » et le statut social des individus. Si toutes les religions sont présentes et ont le droit de s’exprimer, rien n’interdit les pogroms ni les endoctrinements forcés. Vajra Chandrasekera décrit l’humanité dans ce qu’elle a de plus merveilleux et de plus brutal, mais aussi la manière des vainqueurs de réécrire l’histoire, d’effacer le passé ou de le transformer pour qu’il donne corps à leurs idées. On y parle pêle-mêle d’artistes, de famille, de droits et de devoirs, d’espoirs, de craintes, de dictatures, de pandémie, de révolution, de prisons ou encore de népotisme.

Pourtant, ni l’auteur ni son héros ne cherchent à donner de leçon ou à moraliser leur lecteur. Entrave est une fenêtre sur ce monde, il nous partage ce qu’il y voit, sans jamais, ou presque, porter de jugement ou prendre parti. Presque à la manière d’un documentaire, l’immense cité est décrite telle qu’elle est par cet observateur discret et parfois désintéressé, comme s’il nous guidait, de la même manière qu’il le fait avec les nouveaux immigrés arrivés en ville, dans les méandres politiques et bureaucratiques afin de nous aider à en comprendre le fonctionnement.

Fantastique et théocratique

Ce livre est aussi un véritable roman de l’imaginaire, une œuvre fantastique inattendue, qui mêle rites ancestraux et cités modernes, technologie et religion, où lutte des classes et théocratie raciale s’affrontent. Il y a les rites auxquels la mère d’Entrave l’a initié, les diables invisibles aux mille facettes, les étranges portes de lumière, mais aussi les enfants de prophètes, comme Entrave, dotés de capacités mystérieuses. Car le garçon sans ombre recèle bien d’autres surprises ! Sur le supercontinent de Jambu, la magie est partout. C’est aussi ce qui rend Les Portes de lumière si fascinant, sa capacité à faire coïncider un monde contemporain et un fantastique assumé, qui flirte parfois avec la fantasy. Définitivement un roman qui sort de l’ordinaire.

En 380 pages épiques, Vajra Chandrasekera parvient à répondre à toutes les questions soulevées par son récit et à nous offrir un final très surprenant et profond. Un roman original et un auteur à suivre, qui pose ici un vrai vent de fraicheur sur la littérature de l’imaginaire.

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